Nous poursuivons notre série d’interview des nouveaux présidents de fédération, pour connaitre leurs impressions et leurs premières mesures. Découvrir un nouveau poste, un nouvel environnement, de nouvelles responsabilités, notamment dans cette période, n’est pas simple. Nous les remercions de s’être ainsi livrés avec franchise afin que nous puisions mieux comprendre leurs premiers mois de présidence et leur vision de l’avenir du mouvement sportif français.
Après, Philippe Bana, président de la FF de handball, Yohan Penel, président de la FF badminton, Gilles Erb, président de la FF de tennis de table, Cédric Gosse, président de la FF de triathlon et Pascal Grizot, président de la fédération française de golf, nous donnons la parole à Boris Darlet, président de la FF roller & skateboard (FFRS).
Vous êtes président de la FFRS depuis maintenant un an, après la démission de l’ancien président et votre élection du 13 décembre dernier. A cette occasion, votre liste s’appelait “libérons notre plein potentiel“. Comment avez-vous mis en pratique cette belle ambition depuis ?
Nous avons défini nos objectifs pour les 100 jours.
Bien accueillir les nouveaux administrateurs, leur présenter la plateforme fédérale et organiser les commissions a été notre premier point d’attention. Avec ce programme, nous voulons changer radicalement les méthodes de travail. On doit donc commencer par repenser l’organisation administrative. Par exemple, deux commissions transversales ont vu le jour, afin de décloisonner et poser les bases de la coopération entre disciplines, pour avancer en équipe.
J’ai rencontré les parties prenantes du projet de la fédération, entre le CNOSF, l’Agence nationale du sport, les services du ministère des sports, Paris 2024. Nous avons identifié, dans le cadre de ces 100 jours, leurs attentes et adaptons nos actions aux intérêts de tous, dans un principe gagnant-gagnant.
Nous avons réalisé une étude de la situation financière des clubs qui complète celle réalisée par le CNOSF. Si nous orientons nos clubs vers l’ensemble des aides disponibles, nous n’excluons pas une aide solidaire pour les clubs en péril. En parallèle, nous élaborons un plan de redynamisation afin de soutenir les efforts des clubs.
Nous sommes en train de généraliser le « mode projets ». Nous avons créé plusieurs groupes de parties prenantes éclectiques, pilotes des projets, qui garantissent à la fois une meilleure inclusion des diversités de notre mouvement et un ajustement plus agile des réalisations. Un exemple concret est la future campagne PSF et le plan de redynamisation, que nous travaillons de concert, pour une meilleure cohérence. La stratégie de digitalisation nous occupe en ce moment.
La formation est un sujet important où, là aussi, nous redéfinissons les enjeux, à travers une enquête emploi dans notre réseau, une redéfinition du positionnement de l’offre des CQP et une stratégie emploi en cours d’élaboration.
Nous nous préparons aussi à vivre nos premiers Jeux Olympiques, avec le skateboard. J’ai repris les sujets de partenariats, qui sont source d’une complexité inattendue et nous avons validé les critères CPJ avec Paris 2024. Nous nous sommes rapprochés de l’ANS pour évoquer une ambition de développement en phase avec la demande croissante d’encadrement de la pratique.
Enfin, notre programme doit se décliner dans une feuille de route que nous co-construisons avec l’ensemble des administrateurs, collaborateurs et présidents de ligues. L’arrivée d’un nouveau DTN sera un moment clé de cette co-construction.
Qu’est-ce qui vous a surpris en arrivant à la présidence de votre fédération ?
Je suis arrivé en pleines crises : crise des violences sexuelles, crise médiatique, crise COVID et un point clé en gestion de crise est de s’organiser pour ne pas se laisser surprendre.
En fin d’année, nous avons réalisé un diagnostic des modes de fonctionnement de l’organisation, préconisant de clarifier la vision, le projet et la feuille de route afin de renforcer l’impulsion stratégique, avant de pouvoir décloisonner et redonner un sens managérial. Les conclusions de cette mission ont été une surprise, ce qui a fini de me convaincre de la nécessité d’impulser un changement. La rédaction du programme « Libérons notre plein potentiel » est une réponse à ce diagnostic. Cette fédération repose sur un modèle hybride avec de nombreuses disciplines très différentes, mais aussi une pratique urbaine accessible, que tout un chacun peut s’approprier, créant en continue de nouvelles attentes sportives. Mettre l’organisation en mouvement via un modèle de fonctionnement plus ouvert, participatif, centré sur l’humain, créatif et co-opérant nous est apparu essentiel.
L’enthousiasme et le feedback positif autour du programme, c’est quelque chose qui m’a positivement surpris. La bienveillance des gens rencontrés, au CNOSF, au ministère, à l’ANS, à Paris 2024, c’est une vraie surprise, nous partageons bien tous des valeurs communes.
Malgré la crise sanitaire, la mobilisation des acteurs de nos disciplines, ça m’a également touché. La période est difficile et le courage des acteurs du terrain donne l’envie de se dépasser pour eux.
Si nous vous interrogeons dans un an sur le bilan de votre 1° année de mandat, qu’aimeriez-vous pouvoir nous répondre ?
Je voudrais vous dire que les premiers JO se sont déroulés à merveille, le skateboard contribuant au bon classement de la Team France. L’Ambition Bleue nous anime et le plan de Haute Performance pour 2024 est sur les rails.
Les championnats d’Europe et du Monde de nos disciplines rapportent également leurs lots de médailles. L’équipe de France de Roller & Skateboard est dotée d’un schéma de performance pour préparer les World Skate Games de 2022.
Au printemps et à l’été, les clubs ont diversifié leur activité en retournant dans la rue et sont au contact de nouvelles demandes de sport en roller, skateboard et trottinette. La fédération en a profité pour mettre en place sa plateforme d’innovation, insufflant la culture de l’innovation dans toute l’organisation. Des business models innovants ont été testés et sont améliorés en continue, de nouveaux services sportifs contribuent au repositionnement de l’activité des clubs. La plateforme d’innovation a également produit un projet d’innovation sociale reconnue par Paris 2024 dans le cadre de son héritage.
A l’aide de ce socle, nous avons renforcé la politique de développement. Nos indicateurs montrent que l’accompagnement au déploiement des dispositifs se fait de manière plus ciblée et avec plus d’impact. La glisse urbaine trouve sa place à l’école et les enfants sont sensibilisés à nos valeurs sociétales. Autour de la plateforme myRoller, nous fédérons les communautés de pratiques qui patinent et jouent dans le rue, vont au taf, se réathlétisent d’une manière plus indépendante. Nos premiers dispositifs de Sport Santé, ayant bénéficié de la plateforme d’innovation, ont créé le buzz. Tout ceci contribue au « savoir rouler ».
La FFRS a fait aussi parler d’elle en matière de diversité et d’inclusion à travers le sport, contribuant à la production d’histoires inspirantes. Nous avons suivi ces femmes qui se forgent une identité, dans des milieux sportifs où les codes restent subculturels et ultra-masculins. Leur histoire est entrée en résonance avec les préoccupations citoyennes et a été relayée, participant concrètement à la transformation sociétale.
Selon vous, quels sont les principaux défis auxquels va être confrontée votre fédération / le mouvement sportif ces prochaines années ?
J’ai pu constater qu’en Italie et en Espagne, les saisons sportives, pour nos disciplines de compétition, se sont déroulées, certes sous contrainte, mais elles se sont déroulées. Pas en France. Ce n’est pas normal. Nous sommes en Europe, nous ne devrions pas voir ces écarts. La nation de sportifs qui voudrait devenir une nation du Sport est en train, doucement mais sûrement, de faire glisser le sport au rang de sous-culture marginalisée, avec pour résultante de faire émerger un sport clandestin. Je crains que les acteurs ne jouent perdant-perdant à ce jeu en ce moment. « Apprendre à vivre avec le Sport, la nation devra ».
Il y a également un défi de transformation. Le système du sport se modifie et pour les fédérations, il s’agit de rendre leur organisation congruente de ce nouveau système. Nous engageons des transformations de fond à la FFRS, autour de l’organisation, le fonctionnement, les méthodes, pour passer ce cap. Ce n’est pas facile mais je vois des équipes en demande et impliquées.
Enfin, l’envie reste le principal vecteur de la pratique sportive. Notre défi sera de (re)donner l’envie. L’envie de glisser, l’envie de jouer, l’envie de partager des émotions, l’envie de donner du plaisir. Le moment de vérité du service sportif se diversifie, c’est indéniable, et il y a tellement de choses à inventer ! Au mouvement sportif d’utiliser tout son potentiel créatif, son énergie créative.
Bravo pour cette analyse, les sportifs jeune et senior de notre discipline auraient bien aimé pouvoir pratiquer leur sport dans ce contexte de crise sanitaire .
Félicitations à Boris, personne préparée et passionnée!