Le guide (presque) pessimiste du sport 2018 #7

Publié le 24 janvier 2018 à 13h51 dans Guide (presque) pessimiste du sport 2018

Vous connaissez peut-être le Guide pessimiste 2018 de Bloombergses auteurs ne font pas des prédictions, mais déroulent un scénario de politique-fiction de ce qui nous attendrait cette année si les choses tournaient mal. Nous avons récupéré le concept et pour faire le Guide (presque) pessimiste du sport 2018 Pour ce faire, nous avons demandé à plusieurs personnalités (chef d’entreprise, journaliste, parlementaire, professeur d’université…) de s’y essayer. Notre guide est « presque » pessimiste, car nous leur avons demandé d’imaginer une issue pas si pessimiste…

Nous poursuivons ce guide avec Amélie Oudéa Castera, spécialiste marketing et digital, ancienne championne de tennis et Présidente de Rénovons le sport français.

Marion qui pleure, le sport féminin qui sourit

Tennis-Marion-Bartoli-doit-elle-revenir.jpg@ Andy LIONS/Getty Images/AFP

Miami, le 19 mars 2018. Marion Bartoli se fait battre au premier tour du tournoi par Monica Puig, 58ème mondiale, 6-0 6-1. Un score sans appel, qui ne reflète pourtant pas l’intensité du match. Comme à son habitude, la Française donne tout, assénant ses coups à deux mains d’un bout à l’autre du terrain. Mais elle est surclassée par plus performante qu’elle, techniquement et physiquement. Cette défaite, après 5 ans passés loin des courts, n’est pas une surprise, mais sa sécheresse apparente fait mal.

La dignité et la résilience de la joueuse, à la sortie du court comme en conférence de presse, imposent le respect. Pourtant, le lendemain, le tabloïd britannique The daily Mirror, qui suit le retour de la vainqueur de Wimbledon 2013, ose titrer “Is this serious ?” avec une photo ravageuse forçant le trait des kilos superflus de Marion.

Ce traitement grossier suscite tout de suite de l’émoi sur le circuit. Marion exprime la peine et le sentiment d’humiliation qu’il lui cause, “après tous ces mois d’enfer”. Le président de la WTA, Steve Simon, se fend d’un tweet pour en dénoncer l’indignité, vis-à-vis de Marion mais aussi, à travers elle, du tennis féminin dans son ensemble.

Yannick Noah, comme un pied-de-nez à l’affront britannique, annonce que Marion intègrera “très certainement” l’équipe de Fed Cup qui jouera au prochain tour contre les Pays-Bas en avril, après la victoire des tricolores contre les Belges en février. Cette annonce touche Caroline Garcia, qui fait savoir qu’elle aussi souhaite revenir en équipe de France.

Quant à Kristina Mladénovic, stimulée par ce contexte, elle se remet à briller au même tournoi de Miami, qu’elle remporte face à Madison Keys, 20ème joueuse mondiale, reléguant au passé une série maudite de 19 défaites consécutives au premier tour depuis août 2017.

Amélie Mauresmo, qui avait réagi tout de suite sur les réseaux sociaux pour saluer “le courage” de Marion Bartoli, donne une interview de fond à l’Equipe dans laquelle elle dénonce “la dictature de l’image qui trop souvent enferme le sport féminin dans les stéréotypes”.

Tony Estanguet, touché par ces propos et par le scandale du Daily Mirror, propose au COJO Paris 2024 d’inscrire dans le programme “Héritage” des Jeux une initiative phare en faveur de la valorisation du sport féminin. Elle bénéficierait de 15% des moyens du programme et reposerait sur 10 mesures :

  1. mieux faire connaître les étoiles et les espoirs du sport féminin, en se concentrant sur leur histoire et leur personnalité,
  2. renforcer la démarche de prévention et de lutte contre tous les stéréotypes, discriminations, violences et incivilités liés au genre dans le sport,
  3. sensibiliser les partenaires du monde sportif au fait que 80% du sponsoring sportif est consacré aux hommes alors que 70% des Français jugent le sport féminin aussi intéressant que le sport masculin,
  4. inciter les fédérations et les diffuseurs à médiatiser davantage les compétitions féminines (14% du volume horaire des retransmissions sportives à la télévision),
  5. engager les organisateurs de compétitions sportives à corriger les différentiels de rémunérations entre hommes et femmes dans les compétitions nationales et internationales se déroulant sur le sol français,
  6. accélérer la promotion des pratiques sportives auprès des publics féminins (37% des licences fédérales) dans toutes les régions, avec un focus particulier sur les sports qui accusent le plus gros déficit de femmes,
  7. développer une action spécifique en direction des lycéennes, l’adolescence étant la période où l’abandon de la pratique sportive est le plus important chez les filles (-45%),
  8. accélérer le mouvement vers la parité dans les instances de gouvernance des fédérations (26,5% de femmes dans les comités directeurs),
  9. renforcer la place des femmes dans l’encadrement du sport fédéral (elles ne sont que 17%),
  10. féminiser l’accès aux métiers du sport et à leurs diplômes, et nouer des partenariats avec les écoles de journalisme pour améliorer la proportion de femmes journalistes sportives (15% seulement aujourd’hui).

De Brigitte Macron à Marie-José Pérec en passant par Thomas Bach, cette initiative est unanimement saluée. Donnant un coup de boost majeur aux plans de féminisation du sport entamés ces dernières années, elle donne envie à plusieurs grandes entreprises du CAC40, mobilisées sur les enjeux de mixité, de diversité et d’inclusion, de s’engager aux côtés du comité d’organisation de Paris 2024 pour parrainer les Jeux.

 

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