Alors que le sport français cherche à se réinventer du fait notamment des diminutions des finances publiques, qu’il va connaitre très certainement une nouvelle candidature olympique qui pourrait le transformer, que les attentes des françaises et des français évoluent toujours plus vite, nous avons voulu demander à celles et ceux qui ont eu des responsabilités dans le sport institutionnel ou le sport business de nous donner leur sentiment sur les évolutions, les enjeux, leurs souvenirs ou leurs expériences dans ce monde si particulier.
Christophe Chenut, Directeur général de l’Opinion inaugure cette nouvelle série d’interviews que nous lançons et qui s’intitule, « Ils ont fait le sport français ».
Olbia le Blog : Patron de L’Equipe de 2003 à 2008, DG de Lacoste de 2008 à 2013, président du club de football de Reims pendant 8 ans, administrateur du PSG et d’Evian-Thonon-Gaillard il n’y a encore pas si longtemps, vous avez fait une très grande partie de votre carrière dans le sport. Aujourd’hui, vous dirigez le quotidien L’Opinion. Que retenez-vous de votre riche expérience dans le milieu du sport ?
Christophe Chenut : Je retiens que quelque soit la position que j’y ai occupé, patron de média, acteur direct dans un club ou dirigeant d’un sponsor, le sport est un des seuls domaines économiques qui associe en permanence l’émotionnel au rationnel . Quand la quantité de ventes d’un journal peut doubler en cas de but dans le temps additionnel, son chiffre d’affaires publicitaire exploser en cas de qualification pour le tour suivant de l’Équipe de France en Coupe du Monde, vous ne vivez pas l’événement de la même façon. Idem bien sûr quand vous dirigez un club et qu’une victoire ou une défaite conditionne la montée en division supérieure, ou la descente en division inférieure et leurs conséquences économiques et sociales. Idem enfin lorsque le joueur qui porte votre logo peut gagner une Coupe Davis ou un Grand Chelem et participer au développement de vos ventes. Ces émotions «professionnelles» n’existent pas avec le même niveau d’adrénaline et d’incertitude dans un business plus classique.
OLB : Depuis votre passage dans un autre secteur d’activité, quelle est la décision / l’évolution que vous jugez la plus positive dans le monde du sport, celle qui a fait le plus avancer les choses ?
CC : Pour moi, tout l’intérêt du sport repose sur sa fameuse « glorieuse incertitude». C’est elle qui fait que les gens se massent dans les stades ou devant leur télé, c’est elle qui permet un spectacle qu’on ne doit pas manquer de vivre en live si l’on veut de l’émotion, c’est donc elle qui motive les médias et les sponsors à investir. Je crains donc tout ce qui transforme le sport en simple spectacle, fut-il de très haut niveau, où l’on connaît le vainqueur dès le début de la compétition ou qui aboutit à des systèmes de types ligues fermées, destinés à protéger et sécuriser les investissements. De ce point de vue, j’ai espéré que le « Fair-Play Financier » vienne redonner un peu plus de suspense à un football européen concentré entre 8 à 10 équipes aux contraintes économiques souvent nulles, aux moyens sans limites et sans commune mesure avec leurs compétiteurs. Je pense malheureusement que cette bonne idée n’a pas été bien exécutée en empêchant finalement l’arrivée de nouveaux entrants plutôt qu’en rééquilibrant les forces en présence.
OLB : A contrario, d’après vous, quelle est la décision qui n’a toujours pas été prise et qui permettrait de réellement faire bouger les choses dans le monde sportif ?
CC : Il y a globalement un sujet, en France, sur lequel il y aurait beaucoup de choses à faire bouger, c’est celui des infrastructures. Il aura fallu 11 ans au nouveau stade Auguste Delaune de Reims pour exister suite à la promesse du maire de l’époque de le reconstruire. Le projet de Roland-Garros aura au mieux 5 ans de retard et que dire du stade des Lumières à Lyon pourtant financé sur fonds privés ? Je ne suis pas compétent pour apporter une solution mais soit un projet est voté et il doit être mené vite, soit il est refusé et on l’abandonne. Cette situation intermédiaire de recours sans fins n’aboutit qu’à faire perdre beaucoup de temps et d’argent à tous et à créer d’énormes frustrations pour les amateurs de sport.
OLB : Quel est votre regard sur le sport français, avec votre recul actuel ?
CC : J’ai toujours considéré que le sport français obtenait des résultats remarquables, voire exceptionnels dans sa globalité et je n’ai pas changé d’avis. Contrairement à de nombreux grincheux qui critiquent souvent nos résultats, je considère que notre pays qui ne compte qu’1% de la population mondiale est toujours dans le peloton de tête dans les sports majeurs grâce à un travail de fond remarquable. Combien de pays ont gagné une coupe du monde de foot ? Combien ont entre 10 et 15 joueurs dans le top 100 du tennis mondial en étant toujours en même temps dans le top 10 des médailles aux JO ? Sans oublier les succès du hand et du basket national, du rugby de club et j’en oublie…Alors, de quoi se plaint-on ?
Quant à l’organisation de grands événements on n’a pas lieu de se plaindre non plus, me semble-t-il…
OLB : Etes-vous toujours en contact avec des acteurs sportifs ?
CC : Oui bien sûr, certains sont restés des amis intimes et nous nous voyons régulièrement. On ne peut pas avoir vécu de telles aventures humaines ensemble sans créer un lien fort. Et puis, ils ont la gentillesse de bien vouloir, pour certains, jouer au foot, au tennis ou faire du vélo avec moi…
OLB : Seriez-vous prêt à aider la future candidature olympique parisienne si ses responsables vous sollicitaient ?
CC : Dites-leur qu’ils peuvent me contacter à n’importe quelle heure du jour et de la nuit !
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