Ils ou elles sont DG d’institution sportive, expert du sport business, avocat, startupeur, DG d’association d’élus locaux, DTN, ou directeur des sports de collectivité territoriale, ils connaissent le sport français, ses enjeux, ses acteurs mais on les entend peu dans les médias. Olbia le blog a souhaité leur donner la parole afin d’en savoir plus sur leur parcours professionnel, leur vision du sport français, les enjeux de leur institution ou de leur entreprise.Nous poursuivons notre série « Eux aussi font le sport français… » avec Antoine AUBOUR, Directeur Marketing adjoint d’ASO.
Comment as-tu été amené à intégrer l’univers du sport ?
Le Sport n’est pas un métier. C’est ce que je m’évertue à dire et répéter à toutes les personnes qui ont pu me contacter depuis le début de ma carrière, lorsqu’elles m’indiquaient vouloir « travailler dans Sport » à tout prix.
« Travailler dans le Sport » a pourtant été pourtant mon driver professionnel dès le collège, et plus particulièrement une fois mon Bac S en poche en 1997. Je suis donc allé en « Fac de Sport », à savoir le STAPS. J’y ai trouvé 3 choses importantes :
- La richesse intellectuelle qu’apporte la pluridisciplinarité : j’ai en effet eu la chance d’étudier l’anatomie, la physiologie, la psychologie, les sciences de l’éducation, l’économie du Sport (…) mais aussi la danse moderne ou le triple-saut !
- La certitude que le professorat de Sport n’était pas fait pour moi, ou inversement.
- Un début d’appétence pour les métiers du marketing et du commerce liés au business du Sport.
Fort de cette expérience généraliste « Sport » acquise durant ces 5 années passés sur les bancs et les terrains du STAPS de Limoges puis de Bordeaux, j’ai donc décidé d’aller m’aguerrir en Sup de Co, à Reims (désormais NEOMA), afin de bénéficier d’un autre type de formation pluridisciplinaire (marketing, communication, économie, stratégie…) et partir étudier quelques temps à l’étranger (à Dublin en l’occurrence).
C’est donc diplômé d’une maîtrise STAPS, d’un Programme Grande Ecole obtenu à Sup de Co Reims, et fort de 2 premiers stages effectués dans l’univers du Sport (Havas Sport & Entertainment, puis adidas), que j’ai eu l’immense privilège de pouvoir débuter ma carrière chez adidas France, à Strasbourg, il y a plus de 12 ans.
Avant d’arriver chez A.S.O. en 2011, tu es passé par adidas donc, la Coupe du Monde de Rugby 2007 organisé en France, Roland-Garros et Sportys. Cela s’est fait par opportunité ou tu avais un plan de carrière en tête ?
Comme je le disais, ma chance est d’avoir identifié mon « driver professionnel » assez jeune : j’ai en effet su très tôt que je voulais évoluer dans l’univers du Sport. Mais pour être honnête, le chemin que j’ai parcouru depuis 12 ans n’est qu’un enchainement d’opportunités, de rencontres, mais aussi de beaucoup de travail et d’acharnement !
J’ai effectué mon début de carrière chez adidas, fort d’un 1er stage réussi lors de mes études. J’ai intégré la Direction de la Communication, en charge des plans tactiques sur le Running et Tennis principalement. C’est là que j’ai appris les bases de ce qui me sert encore aujourd’hui au quotidien : la rigueur méthodologique, le questionnement perpétuel vs l’objectif recherché, et le suivi/monitoring des actions.
Puis arrive 2007 et la Coupe du Monde de Rugby en France. Ayant moi-même joué au rugby pendant plus de 20 ans, j’ai décidé de saisir l’opportunité de rejoindre le Comité d’Organisation France 2007. A l’issue de cette magnifique aventure, direction la Fédération Française de Tennis pour travailler au sein des équipes Sponsoring. Puis une régie de droits Marketing : Sportys. Et finalement, avec la fin de l’âge d’or des modèles de régies externalisées, et quelques autres problèmes annexes, A.S.O. a saisi l’opportunité de racheter l’entreprise, tout en intégrant une partie des collaborateurs. J’ai donc fait mes valises, direction le spécialiste mondial de l’événementiel hors-stade : A.S.O.
Plus généralement, dans ma vie personnelle comme professionnelle, je suis très (très) exigeant, je m’ennuie vite et j’aime que les choses bougent, aillent vite. J’ai donc fait en sorte que ma carrière suive ce modèle. Et si je me retourne et que je regarde le chemin parcouru depuis adidas, je me dis que je n’ai vraiment pas vu le temps passer. Et pour être honnête, j’ai la chance d’encore m’éclater au quotidien !
Te voilà aujourd’hui Directeur Marketing adjoint d’ASO. Quelles sont tes missions et quel est ton quotidien ?
Le Marketing dont je m’occupe intervient sur l’intégralité du portefeuille d’A.S.O., à savoir les 5 Univers Sportifs (Cyclisme, Sports Mécaniques, Epreuves de Masse, Golf et Voile), soit près de 100 événements par an. C’est un Marketing dit Stratégique ou Back-Office, qui opère 3 métiers complémentaires :
- Le Etudes : dans ce service, produire de la data (buzzword par excellence) pour la data, on s’en fout ! Notre défi réside dans le fait d’utiliser tous les insights issus des data analytics (audiences TV, impact social media, satisfaction participants, veille marché, etc.), pour les rendre compréhensibles et opérants au service du pilotage stratégique de nos activités par les différents services (DG, Stratégie, Com, Brand, CRM, Directions Sportives…), et de l’accompagnement de nos stakeholders (Partenaires économiques, Collectivités…).
- Le Brand Management : voilà un métier assez récent dans le Sport Business français. De manière très pragmatique, notre job ci est de donner une identité, une personnalité à nos (marques-)Epreuves pour qu’elles soient en capacité de s’exprimer et qu’elles soient aimées ! Pour ce faire, nous définissons les outils qui nous permettent de les raconter : quelle promesse, positionnement, valeurs, identité visuel et/ou sonore, iconographie, etc.Le Brand Management est en quelque-sorte le garant d’une expérience de Marque(-épreuve) multicanale (TV, terrain, Digitale, BtoB..) cohérente et efficace, au service de la meilleure expérience client possible !
- Le Marketing de l’Offre : ici la mission principale est l’optimisation des revenus commerciaux / BtoB de notre portefeuille de marque-épreuves.On accompagne donc les équipes commerciales en produisant de la connaissance clients, et les argumentaires & outils d’aide à la vente.
Bref, mon job au quotidien réside donc dans le fait de piloter ces activités Marketing et manager les équipes (une vingtaine de personnes).
Il d’ailleurs intéressant de noter que j’ai fait le choix de recruter des Managers de service qui sont de vrais experts métiers, mais qui ne sont pas spécifiquement issus de l’univers du Sport Business ; ce qui selon moi est extrêmement enrichissant et vertueux. Cela vient conforter mon propos initial : travailler dans le Sport n’est pas un métier !
De quels univers proviennent tes experts et concrètement qu’ont-ils apportés issus de leur domaine précédent ?
J’ai d’abord recruté un expert des études d’opinions qui venait de chez Kantar-TNS, et un qualitativiste c’est très utile pour aller dénicher les insights consommateurs ! C’est d’autant plus appréciable quand on sait à quel point il est aujourd’hui primordial de mettre les attentes des clients au centre de nos préoccupations.
Notre Brand Manager est un talent qui vient de l’univers du luxe et de l’hôtellerie. Elle est véritablement passionnée par son métier et par les marques ; et elle applique donc des méthodes éprouvées auprès des plus grandes Marques à nos évènements, afin de mieux les raconter et les faire aimer !
Mon dernier recrutement est arrivé côté business, à savoir le Manager de l’Offre Marketing. Nous sommes allés le chercher en agence de Pub, chez BETC en l’occurrence. Mon envie était d’avoir un « storytelleur » qui ait une connaissance accrue des attentes des annonceurs, et qui aime non pas leur vendre des droits marketing mais leur raconter de belles histoires et leur proposer de véritables solutions personnalisées.
Evidemment, ils ont tous une appétence pour le Sport plus au moins développée, ce qui est important lorsque l’on évolue au quotidien dans un univers de geek du Sport ! Mais pour autant aucun des 3 n’avait préalablement évolué dans cet Univers. Ils nous permettent donc d’appréhender ce business avec un regard d’ « Entertainer » plus que d’organisateur d’évènements. Cette perspective est passionnante car elle nous oblige à prendre le recul nécessaire pour nous poser les bonnes questions relatives aux attentes de nos Audiences et de l’Expérience que nous devons leur proposer. Car même si A.S.O. est connu et reconnu mondialement pour la qualité de ses standards d’organisation, bien organiser ne suffit plus pour attirer et fidéliser nos publics.
Et toi, envisages-tu d’aller explorer un jour d’autres univers professionnels ?
Quand je réalise que je n’ai travaillé qu’un 1/3 de ma vie professionnelle, je me dis qu’il m’est impossible d’écrire par avance l’histoire des 2/3 restants ! Je n’envisage donc rien de plus que tout faire pour continuer à trouver des challenges qui me motivent au quotidien. Même si pour être honnête, je pense que le Sport, et plus généralement l’Entertainment, devrait me permettre de continuer à m’amuser quelques années encore…
La période que nous vivons est d’ailleurs absolument passionnante à vivre, l’univers du Sport connait une véritable révolution : l’organisation, la diffusion, la production, la consommation, les usages, la data, l’amplification, etc. Les codes historiques du Sport explosent, nous sommes tous bousculés ! Ce n’est plus aux Audiences de s’adapter aux Evènements, mais c’est bien à nous de mieux les comprendre et d’adapter nos modèles afin de proposer de véritables « expériences sportives ».
Tu parles d’adaptation. Les Millennials, cette génération Y née entre 80 et 2000, vivent, s’informent et consomment différemment. Quels impacts leur arrivée sur le marché du travail et comme clients entrainent-ils ?
Je parlais de l’enjeu de compréhension des usages, et plus globalement de la consommation du Sport. C’est justement quand je pense aux Millennials que le gap générationnel est pour moi le plus impressionnant et la mécanique intellectuelle la plus complexe, même en tant que Directeur Marketing de moins de 40 ans ! Il faut réaliser que les 18-24 ans passent 70% de leur temps en ligne sur leur smartphone, et que la génération suivante née dans les années 2000 est digital native ! Moi je suis né à la fin des années 70, j’ai connu le Minitel et les Modem, et j’ai eu mon 1er smartphone à 30 ans … Il est là le gap générationnel !
Pour autant, comme je le disais, nous devons nous adapter ; et c’est ça qui est excitant dans mon job !
Selon moi, la 1ère chose fondamental à comprendre avec cette génération et sa consommation de produits sportifs, c’est leur rapport au contenu. Ce ne sont plus de simples consommateurs passifs, ils ont les moyens d’être beaucoup plus exigeants, et plus que pour tout autre cible, nous devons leur proposer une offre sportive (média ou participation) qui soit personnalisée, et qui leur permettre de s’engager et d’interagir avec nous et tout l’écosystème. Aussi, quel que soit le point de contact on ou offline (évènement, TV, site Web, App, réseaux sociaux, shop…), notre rôle de créateur d’ « expériences sportives » est d’apporter à ce client Millennial une aide pour enrichir, amplifier son expérience.
Un exemple concret chez A.S.O., c’est le Running : proposer un dossard, une arche départ, une arrivée et un chronomètre ne suffit plus si l’on veut séduire les Millenials. C’est pour cela que l’on a vu exploser ces dernières années des « courses concept » : des courses dans la boue avec des obstacles, la nuit avec de la musique, déguisée en princesse, etc. Donc chez A.S.O., nous n’allons pas pour autant arrêter d’organiser les plus grands Marathons ou Semi. Mais lorsque l’on écoute les insights provenant des runners Millennials, nous réalisons que nous devons 1/ soit clarifier la promesse et enrichir l’expérience de ces courses dites classiques (Marathons, Semi, 10k…) au-delà du jour de la course, de l’inscription à la célébration, soit 2/ continuer à créer de nouveaux concepts expérientiels telles que nous l’avons fait avec The Mud Day, Run my City ou encore le dernier né : The Run Trip.
Dernière question : si tu devais quitter ASO, quel serait le job de tes rêves ?
C’est le job qui sera indispensable au Sport Business & à l’Entertainment dans 10 ans !
Je suis assez admiratif des personnes qui ont fait le pari de devenir Data analyst / Data scientist il y a 10 ans, ou spécialiste du digital et de l’e-commerce il y a 20 ans ! Avec leur antériorité dans le métier et leur expertise avérée, on se les arrache, et ils se revendent donc à prix d’or ..
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