Jeux olympiques : propositions originales, lobbying subtil

Publié le 5 septembre 2014 à 9h25 dans Jeux olympiques

« The Bid Experience » (« L’expérience de la candidature ») est un document court, sobre et accessible à tous sur Internet (1). Rendu public cet été, il a été rédigé conjointement par les Comités nationaux olympiques (CNO) de quatre pays européens (Allemagne, Autriche, Suède, Suisse).

Quelle est la raison de cette initiative commune ?

Chacun de ces CNO a récemment souhaité candidater à l’organisation des Jeux olympiques mais a dû y renoncer faute de soutien populaire. Les habitants de Saint-Moritz / Davos et ceux de Munich ont refusé par référendum local de soutenir une candidature aux Jeux d’hiver de 2022 tout comme ceux de Vienne pour les Jeux d’été de 2028. La ville de Stockholm s’est retirée de la course aux JO 2022 sous la pression de mauvais sondages d’opinion.

Ces quatre CNO ont donc décidé de tirer ensemble les leçons de leur échec respectif et de proposer au Comité international olympique (CIO) des solutions pour rénover le processus de candidature aux JO.

Le constat formulé par « The Bid Experience » est sans détour : il existe une crise de confiance profonde entre l’opinion publique européenne et le mouvement olympique du fait du coût élevé des Jeux olympiques et de leur image négative sur plusieurs sujets sensibles (environnement et droits de l’Homme lors des JO de Sotchi).

Le document propose donc une série de mesures pour remédier à ce climat de défiance. Notamment :

● lancer, dès le début des candidatures, des campagnes d’information pour mieux expliquer le financement des Jeux olympiques (en soulignant l’importante contribution des financeurs privés et du CIO lui-même) et les bénéfices que peut retirer un pays d’un tel événement. Le rapport propose que le CIO cofinance avec les villes candidates ces campagnes d’information auprès du grand public ;

● abaisser le coût des candidatures en allégeant certaines exigences du CIO et en limitant dans le temps les actions de lobbying et de communication internationale (qui constituent l’essentiel des dépenses de candidature). Le rapport note que le coût moyen d’une candidature pour les JO d’hiver a plus que triplé entre les JO 2010 (9,5 M$) et les JO 2018 (34 M$) ;

● réduire le coût d’organisation des Jeux, en assouplissant les exigences en matière d’hôtellerie ou d’équipements sportifs. Pour les quatre CNO, certaines infrastructures, parce que surdimensionnées, sont inutiles une fois les Jeux finis (les patinoires par exemple). Les équipements temporaires ne constituent pas non plus une solution satisfaisante car leur coût final (construction et démantèlement) peut aussi être important. Le rapport préconise donc de permettre aux villes candidates d’inclure plus facilement dans leur dossier des équipements sportifs situés dans d’autres villes ou pays voisins afin de compléter l’offre de la ville hôte sans nouvelle construction.

Rapport technique visant à rénover les Jeux olympiques, le document des quatre CNO apparaît aussi comme un subtil outil de lobbying visant à mieux valoriser les atouts des pays développés et à rééquilibrer le rapport de forces actuel avec les pays émergents dans les procédures d’attribution des Jeux olympiques.

La proposition de limiter les budgets de candidature et d’organisation va dans ce sens. Deux autres propositions sont encore plus explicites :

● le rapport demande de renforcer les exigences du CIO à l’égard des candidatures en matière de développement durable, y compris dans le domaine éthique et notamment sur des critères tels que le respect des droits de l’Homme ;

● il propose aussi de modifier la méthode d’attribution des Jeux en ne laissant plus les membres du CIO décider seuls. Leur vote tendrait à négliger la qualité technique des dossiers des villes (le document rappelle que les dossiers de Sotchi 2014 et Rio 2016 avaient été les moins bien notés techniquement). Le rapport préconise donc un mode d’attribution donnant à l’évaluation technique des dossiers des villes candidates autant de poids dans la décision finale que le vote des membres du CIO.

Ces deux propositions sont légitimes en tant que telles, mais elles profiteront évidemment plus à certains pays qu’à d’autres.

La course actuelle à l’organisation des Jeux d’hiver 2022 en est une parfaite illustration. La ville d’Oslo pourra certainement s’appuyer sur un dossier irréprochable, mais elle doit aussi faire face à une opinion publique réticente compte tenu du coût des JO. Elle est en compétition avec deux villes asiatiques, Almaty et Pékin, plus à l’aise financièrement mais ne possédant pas un savoir-faire comparable en matière de sports d’hiver et situées dans des pays (Kazakhstan et Chine) peu exemplaires sur la question des droits de l’Homme.

Au-delà de ses propositions originales, « The Bid Experience » est donc bien aussi un habile plaidoyer politique en faveur des candidatures européennes.

Reste maintenant à savoir ce que le CIO et son président, Thomas Bach (ancien président du CNO allemand), en retiendront alors même qu’ils élaborent actuellement l’Agenda 2020, qui servira de feuille de route à l’institution olympique pendant les prochaines années.

(1) http://dosb-newsletter.yum.de/media/newsletter/140612_OlympicAgenda_JointPaper.pdf

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