« Eux aussi font le sport français…  » : Fabrice Alexandre, lobbyiste

Publié le 18 juin 2014 à 9h47 dans Eux aussi font le sport français...

Ils sont lobbyiste, DTN, DG d’institution sportive, avocat, chasseur de têtes, DG d’association d’élus locaux, directeur des sports de collectivité territoriale, ou expert du sport business, ils connaissent le sport français, ses enjeux, ses acteurs mais on les entend peu dans les médias.
Olbia le blog a souhaité leur donner la parole afin d’en savoir plus sur leur parcours professionnel, leur vision du sport français, les enjeux de leur institution ou de leur entreprise.

Nous débutons avec Fabrice Alexandre, 45 ans, directeur associé de Communication & Institutions, fondée en 1983 (www.cominst.com). Cette agence de lobbying travaille notamment pour la Fédération française de tennis.

Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris en 1993, Fabrice Alexandre (3h14 au marathon), a commencé sa carrière professionnelle chez EDF avant de rejoindre C&I en 96. Il est en parallèle Secrétaire Général de l’Association française des conseils en lobbying et maître de conférences à Sciences-Po Paris.

Fabrice_Alexandre

Olbia le blog : Comment devient-on lobbyiste ?

Fabrice Alexandre : Je vais faire un aveu : tout petit, je ne rêvais pas d’être lobbyiste, mais footballeur ! Et même étudiant, la visibilité de ce métier, alors peu développé en France, n’était pas évidente pour moi… Pourtant, il n’y a pas vraiment de hasard : j’ai un goût prononcé pour la chose publique, la confrontation des arguments et l’actualité, et la nécessité de convaincre me stimule. Après une première expérience au sein du département lobbying d’EDF, où j’ai réellement découvert ce métier, le passage au conseil, qui permet de toucher de nombreux secteurs, s’est fait naturellement.

OLB : Le lobbying en une phrase c’est quoi ?

FA : Pour faire simple, le lobbying désigne l’ensemble des moyens d’information et de conviction mobilisés pour influencer un décideur.
Dans le lobbying que je pratique, le décideur est public, souvent le Gouvernement et le Parlement ou les institutions européennes. Mais on parle aussi de lobbying à propos d’autres pratiques : lobbying commercial où il s’agit de remporter des marchés, voire lobbying personnel quand il s’agit de favoriser le transfert d’un joueur, d’un coach… Le milieu du foot s’est mis au lobbying, si l’on en croit la presse sportive !

OLB : Est-ce toujours considéré comme un gros mot ?

FA : Non, plus vraiment. Evidemment, les médias se font encore parfois l’écho de dénonciations plus ou moins sincères du lobbying, qui ont souvent pour objectif de disqualifier tel ou tel acteur concurrent. A l’inverse, depuis 10 ans de plus en plus de grandes écoles et d’universités proposent des formations en lobbying et chaque semaine, nous recevons de nombreux CV de grande qualité : le métier existe, il est légitime et reconnu comme tel, y compris par l’immense majorité des politiques. Dans le domaine du sport, j’observe que depuis l’échec de la candidature à l’organisation des JO à Paris en 2012, après avoir (un peu) dénoncé le lobbying du concurrent londonien, le discours ambiant est au contraire à la construction d’une force de lobbying « à la française » sur la scène internationale, ce qui est une excellente chose.

OLB : Dans le sport, vous travaillez notamment pour la fédération française de tennis, quels sont les autres secteurs professionnels dans lesquels vous intervenez ?

FA : Communication & Institutions intervient auprès des trois grandes familles d’acteurs : des entreprises, françaises ou étrangères, des organisations professionnelles ou des associations, des institutions ou collectivités publiques, française ou étrangères. Nos clients viennent de l’industrie (chimie, métallurgie…), des transports (rail, aérien…), des services (notamment financiers), des « nouvelles technologies » (industrie logicielle, Internet…), du commerce, etc. Leur point commun, c’est qu’ils peuvent être impactés par des décisions publiques.

OLB : Quelle est la particularité du sport, s’il en existe une, dans votre métier ?

FA : Il y a d’abord un capital sympathie important : le sport, malgré certaines menaces, reste un vecteur de valeurs, de partage social et d’enthousiasme. Ça ne suffit évidemment pas pour convaincre, mais c’est utile pour ouvrir des portes. S’agissant strictement de lobbying, les dirigeants sportifs sont généralement bien connectés avec les politiques et disposent de réseaux personnels que beaucoup d’autres acteurs n’ont pas. Le problème, c’est que cela peut aussi être un frein à la mise en place de méthodes plus structurées et professionnalisées dans leur politique d’influence.

OLB : Il a été souvent dit que les candidatures françaises aux JO ont péché par manque de lobbying. Une étude d’opportunité pour une éventuelle candidature de Paris aux JO de 2024 est en cours. Est-ce une étape essentielle lorsque l’on s’inscrit dans une démarche de lobbying en vue d’obtenir l’organisation d’un événement de cette ampleur ?

FA : Quand on me demande d’expliquer les fondamentaux d’une action de lobbying, je pars toujours d’une fausse évidence : pour faire du lobbying, il faut avoir un objectif. Cela paraît idiot, mais définir clairement ce que l’on veut, au nom de qui et pourquoi, c’est un préalable trop souvent négligé. Il est pourtant nécessaire pour donner une direction, un souffle et des troupes à votre projet. Le deuxième préalable, c’est d’identifier précisément ce que veut le décideur, ce qui oriente ses choix, comment il fonctionne. Les défenseurs d’intérêts se contentent trop souvent de revendiquer sans se mettre à la place du décideur. En ce sens, les réflexions lancées par le CNOSF, si elles peuvent paraître un peu compliquées vues de l’extérieur, me paraissent une excellente façon d’aborder la question.

OLB : Si demain vous étiez nommé ministre des sports, quelle serait votre première mesure ?

FA : A part démissionner pour laisser la place à quelqu’un de compétent ? Je crois que j’organiserais un grand débat national sur la place du sport dans notre société, sur le modèle du Grenelle de l’environnement, pour faire émerger des idées innovantes. Ce n’est pas Olbia qui me contredira : le sport occupe une place importante dans nos vies individuelles, mais trop faible dans la vie de la cité au regard de ses enjeux : cohésion sociale, emploi, santé publique… Et certains fondamentaux doivent être mis à jour, en matière de financement et d’accès de tous à la pratique sportive notamment.

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