Sport pro : la grande division

Publié le 11 décembre 2013 à 16h29 dans Sport pro

Le rapport de la mission d’évaluation de l’Etat sur « la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur », déjà évoqué dans un article du blog il y a quelques jours, a le grand mérite de publier des données intéressantes quant au modèle économique des clubs professionnels français. (1)

Que révèlent ces chiffres ?

Il n’existe pas « un » sport professionnel en France, mais « des » sports professionnels tant les divergences entre le football, le rugby, le basketball, le handball ou le volleyball sont nombreuses et importantes.

La seule lecture des recettes des clubs professionnels montre toute l’ampleur de cette division :
● 1 136 millions d’euros au total pour la Ligue 1 de football ;
● 257 millions d’euros pour le Top 14 de rugby (même pas le quart de la Ligue 1) ;
● 67 millions d’euros pour la Pro A de basketball (soit l’équivalent de 26% du Top 14) ;
● 21 millions d’euros pour la Ligue de basketball féminin et 18 millions d’euros pour la Ligue A du volleyball masculin (moins du tiers de la Pro A dans les deux cas) ;
● 11 millions d’euros pour la Ligue A de volleyball féminin (soit la moitié du basketball féminin et 100 fois moins que la Ligue 1 de football).

(Le rapport ne donne pas de données agrégées pour le handball.)

Ces écarts considérables renvoient évidemment à une très inégale professionnalisation de ces sports.

Alors que la totalité des clubs de football et de rugby de l’élite ont aujourd’hui le statut de sociétés privées, les clubs professionnels des autres ligues ne sont pas encore tous devenus des acteurs économiques à part entière. La Pro A a presque achevé sa mue (15 de ses 16 clubs ont un statut de société) et la Division 1 de handball suit de près (10 clubs sur 14). Le statut associatif reste cependant très dominant dans les autres championnats :
● c’est le cas de 13 des 14 clubs de la Ligue A de volleyball masculin ;
● 12 des 14 clubs de la Ligue de basketball féminin ;
● 8 des 10 clubs en Division 1 de handball féminin ;
● les 12 clubs de la Ligue A de volleyball féminin.

Le constat d’un sport professionnel français à plusieurs vitesses se retrouve également dans l’origine des recettes des clubs.
● Les subventions publiques représentent par exemple 2% des revenus de la Ligue 1 de football et 6% du Top 14.
● La Pro A (31%) et la Division 1 de handball masculin (41%) sont à l’inverse nettement dépendantes des aides des collectivités.
● Et que dire du basketball féminin (55%), du handball féminin (62%), du volleyball masculin (66%) et féminin (69%) dont la majorité des recettes provient de subventions publiques ? Peut-on encore véritablement les assimiler à des secteurs économiques privés comme la Ligue 1 et le Top 14 ?

Ce diagnostic devrait avoir des vraies conséquences sur les solutions proposées à chacun de ces sports. Des solutions qui devraient être sur-mesure et prenant en compte la situation économique spécifique de chaque sport professionnel.

Le rapport de l’Etat ne prend guère ce chemin avec des propositions souvent passe-partout. Il ne répond ainsi ni aux besoins du football et du rugby (au modèle économique déjà mûr), ni au volleyball masculin et aux ligues féminines (dont le modèle est encore embryonnaire), ni au basket et au handball masculins (qui se situent à un stade intermédiaire).

L’évolution des sports de salle n’est pas seulement plus lente que le football et le rugby. Leur future croissance n’a en fait rien d’évident. Ce ne sont pas des enfants ou des adolescents qui deviendront nécessairement adultes. Ils ont besoin d’un soutien différent de celui dont bénéficient aujourd’hui le football et le rugby, notamment en matière de structuration économique des ligues et des clubs.

Le rapport se contente de mentionner, timidement, le dispositif des wild cards envisagé par la Ligue nationale de basketball (faire accéder des clubs en Pro A sur la base de critères essentiellement économiques) sans s’aventurer plus loin alors que la question est justement là : comment repenser entièrement les championnats des sports professionnels de salle et les faire reposer sur des fondamentaux économiques enfin viables ?

 

(1) http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/mission_d_evaluation_de_la_politique_de_soutien_au_sport_professionnel_et_des_solidarites_avec_le_sport_amateur.pdf

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