Jean-Michel Aulas à Lyon, Jean-Pierre Rivère à Nice : la politique française se prend un petit air de Ligue 1. À six mois des municipales, voilà deux figures du ballon rond qui enfilent un autre maillot : celui du candidat. De quoi relancer une vieille histoire d’amour – parfois contrariée – entre football et politique.

Aulas et Rivère : les nouveaux entrants
L’un, Jean-Michel Aulas, a fait de l’OL un empire industriel et sportif, de 1987 à 2023. L’autre, Jean-Pierre Rivère, a façonné le renouveau de l’OGC Nice, de 2011 à 2023. Les deux partagent désormais une même ambition : peser sur la vie publique de leur ville.
À Lyon, Aulas s’avance avec l’assurance du bâtisseur : ses succès économiques et son rôle dans le rayonnement de la métropole l’ont rendu presque incontournable. À Nice, Rivière, longtemps discret, a choisi le camp d’Éric Ciotti, revendiquant une approche « apolitique »(sic).
Les maillots changent, mais les réflexes restent : projet, équipe, leadership… et un peu d’égo, aussi.

Ils ne sont pas les premiers à tenter la transversale entre le rond central et l’hémicycle.
Bernard Tapie avait ouvert la voie : patron flamboyant de l’OM (1986-1994), député (1989-1992), ministre de la Ville (1992-1993), candidat aux municipales de Marseille (1989), il aura prouvé que la frontière entre politique et football était poreuse.
Jean-Louis Borloo, lui, a fait grandir le Valenciennes FC (1986-1991) avant de transformer la ville en laboratoire politique (maire de Valenciennes de 1989 à 2002), jusqu’à devenir plusieurs fois ministre et figure nationale.
Noël Le Graët également a enchainé les titres prestigieux entre politique et football : Président de l’En Avant Guingamp (1971-1992 et 2002-2011), maire de Guingamp (1995-2008), et plus tard président de la Fédération française de football (2011-2023).
N’oublions pas Christophe Bouchet, ex-président de l’OM (2002-2004) devenu maire de Tours (2017-2020).
Football, école du pouvoir ?
Ce n’est pas si absurde, au fond, un club, c’est un laboratoire permanent de la démocratie locale : il faut gérer la ferveur et l’enthousiasme, canaliser la passion et les égos, équilibrer un budget sous pression et maintenir la confiance malgré les défaites et se projeter sur le futur sans aucune certitude.
C’est aussi un territoire symbolique : le stade comme agora, les tribunes comme opinion publique, le mercato comme remaniement ministériel, le vestiaire comme conseil des ministres, et la conférence de presse comme séance de l’Assemblée.
Les présidents de clubs apprennent vite que le pouvoir n’est rien sans l’adhésion populaire.
Ils savent qu’un projet ne vaut que s’il mobilise, inspire et fédère — exactement ce que la politique semble avoir oublié ces derniers temps.
Et si le prochain président de la République venait d’un vestiaire ?
À l’étranger, certains sont allés bien plus loin. Mauricio Macri, ex-président de Boca Juniors (1995-2007), est devenu maire de Buenos Aires (2007-2015) puis président de la République Argentine (2015-2019).
Alors, qui sait ? Si la classe politique française continue de patiner, peut-être que la prochaine relève sortira du tunnel des vestiaires plutôt que de l’ENA ?
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