Le guide (presque) pessimiste du sport 2018 #6

Publié le 23 janvier 2018 à 11h15 dans Guide (presque) pessimiste du sport 2018

Vous connaissez peut-être le Guide pessimiste 2018 de Bloombergses auteurs ne font pas des prédictions, mais déroulent un scénario de politique-fiction de ce qui nous attendrait cette année si les choses tournaient mal. Nous avons récupéré le concept et pour faire le Guide (presque) pessimiste du sport 2018 Pour ce faire, nous avons demandé à plusieurs personnalités (chef d’entreprise, journaliste, parlementaire, professeur d’université…) de s’y essayer. Notre guide est « presque » pessimiste, car nous leur avons demandé d’imaginer une issue pas si pessimiste…

Nous poursuivons avec Christophe Lepetit, Économiste du sport, Responsable des études économiques au Centre de Droit et d’Économie du Sport de Limoges.

« Réduction des moyens alloués au sport, explosion des coûts sociaux »

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Eté 2017 : Muriel Pénicaud, Ministre du travail, annonçait avoir dû procéder à une rallonge budgétaire afin de financer les emplois aidés signés au titre de l’année 2017. Elle en profitait pour dénoncer ces dispositifs, pointant du doigt une efficacité plus que douteuse, et annonçait vouloir en procéder à une vaste remise à plat. Des paroles loin d’être en l’air puisque, quelques mois plus tard, l’Assemblée Nationale entérinera le budget de la Mission Travail et Emploi du Ministère avec une limitation à 200 000 emplois aidés pour l’année 2018, contre 459 000 en 2016 et 310 000 en 2017. Septembre 2017 : présentation du projet de loi de finances 2018. Douche froide pour le mouvement sportif français, pourtant bercé par une douce euphorie quelques jours après avoir officiellement obtenu l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, qui apprend que le budget du Ministère des Sports et celui du CNDS seront en chute libre pour 2018 (-7%). Là-aussi le temps n’y fera pas grand-chose et, malgré la mobilisation de nombreux acteurs du mouvement sportif, c’est donc avec un budget en berne que l’Etat pilotera sa politique sportive en 2018. Subissant une nouvelle baisse de la dotation globale de fonctionnement et face à une réforme de leur fiscalité avec une suppression de la taxe d’habitation pour de nombreux ménages français, les collectivités territoriales s’avèrent incapables de prendre le relai. Pire, dans ce contexte budgétaire contraint, elles procèdent elles-aussi à une rationalisation (terme très en vogue du côté de Bercy) de leur politique de soutien au sport.

2018 est donc l’annus horribilis financière du sport de masse français. Privées du financement de leurs emplois d’éducateurs sportifs et subissant une baisse drastique de leurs subventions de très nombreuses associations sportives cessent purement et simplement leur activité. Les premiers touchés sont les clubs situés en milieu rural, qui connaissaient déjà une situation peu envieuse entre accessibilité limitée aux équipements sportifs et difficultés à développer leurs ressources financières faute d’un potentiel local insuffisant. Les disparitions de nombreux petits clubs ruraux font apparaître ou élargissent les déserts sportifs français laissant les populations rurales désemparées sans la moindre offre sportive. Mais les clubs ruraux ne sont pas les seuls à subir ce désengagement assumé (Etat) ou contraint (collectivités) du financement du sport pour tous. En 2019, alors que leurs soutiens devaient être sanctuarisés, ce sont les associations de quartier qui subissent une réduction de leurs subventions. Plusieurs d’entre elles sont contraintes de se mettre en sommeil, cessant progressivement d’œuvrer à l’animation territoriale et à la paix sociale dans les zones sensibles. Livrés à eux-mêmes, sans leurs éducateurs sportifs référents, les jeunes des quartiers ont une nouvelle fois l’impression d’être abandonnés et veulent le faire savoir. En guise de représailles, ils s’attaquent classiquement aux symboles de la République : commissariat, mairie, écoles… tous les bâtiments sont pris pour cible. La France s’embrase.

Comprenant l’erreur stratégique monumentale qu’il a commis, le gouvernement d’Edouard Philippe procède à un rétropédalage, figure maîtrisée depuis l’abandon du dossier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et l’embourbement du dossier de la centrale de Fessenheim. Le PLF 2020 marque le rétablissement du budget des sports. Mieux, il l’augmente de façon significative avec des priorités assumées sur les volets sociaux et santé. Les élites de notre pays auraient-elles compris que le sport c’est bien plus que du sport et qu’il mérite d’être soutenu pour ses vertus en termes de cohésion sociale, de bien-vivre ensemble, de bien-être ? Autre effets positifs de ces deux années noires : ayant pris conscience de la fragilité de son modèle économique, le mouvement sportif se rénove en profondeur et se décide enfin à aller conquérir de nouveaux marchés et de nouveaux pratiquants. Finie l’offre exclusive de compétitions sportives, place au sport-santé, au sport à l’école, au sport bien-être… De nombreux programmes voient le jour, répondant en cela au programme héritage de Paris 2024. Progressivement le sport reprend la place centrale qu’il doit occuper dans notre société et le mouvement sportif se défait de sa dépendance aux deniers publics.

 

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