
Alors que les débats parlementaires sur le projet de loi de finances (PLF) 2026 se poursuivent, plusieurs amendements liés au sport attirent particulièrement l’attention : création d’une taxe sur la billetterie des grands événements, déplafonnement de la taxe sur les paris sportifs, extension de la « taxe Buffet », ou encore application d’un taux de TVA réduit pour les activités de loisirs sportifs. Parmi ces mesures, une disposition en apparence technique pourrait pourtant avoir des conséquences majeures pour les territoires : la suppression de la compensation versée aux communes à la suite de la disparition de l’ancienne “taxe sur les spectacles”.
Derrière cette ligne budgétaire se joue une question essentielle : comment maintenir l’attractivité et la capacité d’accueil de nos collectivités pour les grands événements sportifs ? Pour éclairer ce sujet, nous avons posé 4 questions à Antoine Chinès, Délégué Général de Territoires d’Evénements Sportifs, sur ce que cette mesure dit, et implique, pour l’avenir du financement local du sport.
Qu’est-ce que la taxe sur les spectacles ?
Elle était un impôt communal d’un taux moyen de 8% que les conseils municipaux pouvaient majorer. Son assiette était constituée des recettes brutes de billetterie des manifestations sportives importantes. Elle permettait de compenser les coûts supplémentaires (par exemple de nettoiement) afférents aux jours de matchs.
Les disciplines considérées comme mineures du point de vue des recettes potentielles et les petites rencontres étaient exonérées. Étaient soumis à l’impôt essentiellement les sports collectifs professionnels. En raison de cette imposition, les droits d’entrée des manifestations étaient exonérés de TVA.
S’agissant d’une compétence municipale, les collectivités territoriales disposaient d’une marge de manœuvre importante, tant pour majorer le taux que pour exonérer tout ou partie des réunions sportives. Certains clubs bénéficiaient donc d’un avantage comparatif, en fonction des options choisies par les communes.
Pourquoi et comment a-t-elle été modifiée par le passé ? Quel est le régime en vigueur actuellement ?
Sa disparition a été approuvée par la loi de finances 2015. Cette décision trouve sa source dans un avis de la Commission européenne exigeant la soumission à la TVA des droits d’entrée aux manifestations sportives. En effet la Commission a estimé que la possibilité ouverte aux collectivités de ne pas appliquer l’impôt ne justifiait plus la dérogation dont la France jouissait jusqu’alors. Les recettes de billetterie sont depuis assujetties à un taux de TVA réduit à 5,5%.
En résmé, l’Etat a pris la recette avec la TVA et il a créé pour les collectivités qui avaient activé la taxe un fond de compensation sur les montants de l’année 2013. Comme pour tous les mécanismes de ce type, il n’y avait déjà plus de dynamique liée à la réalité de l’activité. C’était déjà injuste par exemple pour les villes des Jeux Olympiques et Paralympiques.
Qu’est-ce qui se cache aujourd’hui dans le budget proposé par le gouvernement ?
La suppression de cette compensation dans l’article 34 du projet de loi de finances pour 2026.
Un an après Paris 2024, cette suppression est une nouvelle remise en cause de son héritage en termes d’organisation de futurs événements sportifs dans nos collectivités territoriales.
Les travaux de la Cour des Comptes mettent par exemple en évidence le rôle des villes hôtes dans la réussite de la Coupe du Monde de rugby 2023. Elle démontre clairement que la Coupe du Monde s’est appuyée sur une mobilisation importante des collectivités territoriales avec un effort budgétaire et opérationnel significatif estimé au minimum à 81,4 M€.
Selon l’étude d’impact, les recettes fiscales pour cet événement sont estimées à 84 M€ répartis ainsi : État 71 M€ (dont TVA 68 M€) et collectivités 13 M€ dont 5 M€ uniquement pour les villes hôtes. Les produits des collectivités sont exclusivement issus de la taxe de séjour.
Pourquoi cette proposition est un vrai problème pour les territoires et les événements sportifs demain ?
Pour une raison simple, on déconnecte ainsi totalement le produit fiscal de la politique publique mise en œuvre. C’est contreproductif pour soutenir localement l’accueil des événements qui sollicitent toujours les équipements et subventions locales directes ou indirectes.
Les collectivités, qui financent et entretiennent les grands stades comme l’espace public autour, devraient bénéficier pour les événements sportifs d’une taxe sur sa billetterie comme par exemple celle sur les recettes des spectacles de musique vivante pour le Centre national de la musique.
Pour maintenir une dynamique d’accueil, j’ai, en effet, la conviction que les communes et métropoles doivent aussi avoir un intérêt financier direct à investir dans les grands événements sportifs.
Avec une recette sur la billetterie et celle sur les nuitées avec la taxe dé séjour, les collectivités auraient une recette en face de leurs dépenses exceptionnelles. Ce serait cohérent et directement incitatif pour investir et créer de valeur sur leur territoire.
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