Le guide (presque) pessimiste du sport 2018 #3

Publié le 17 janvier 2018 à 11h33 dans Guide (presque) pessimiste du sport 2018

Vous connaissez peut-être le Guide pessimiste 2018 de Bloombergses auteurs ne font pas des prédictions, mais déroulent un scénario de politique-fiction de ce qui nous attendrait cette année si les choses tournaient mal. Nous avons récupéré le concept et pour faire le Guide (presque) pessimiste du sport 2018 Pour ce faire, nous avons demandé à plusieurs personnalités (chef d’entreprise, journaliste, parlementaire, professeur d’université…) de s’y essayer. Notre guide est « presque » pessimiste, car nous leur avons demandé d’imaginer une issue pas si pessimiste…

Nous poursuivons ce guide avec Arnaud Saurois, Maître de conférences associé en management du sport à Faculté des Sciences du Sport de l’Université de Poitiers, qui traite du serpent de mer : la gouvernance du sport Français !

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Au cours de l’année 2018, suite à l’annonce de nouveaux mauvais chiffres concernant l’économie française, le Président Macron, sous pression et contre toute-attente, annonce un remaniement ministériel. Edouard Philippe est confirmé dans son rôle de 1er Ministre et sa feuille de route est claire : simplifier l’appareil d’Etat pour réaliser des économies et, dans un esprit libéral assumé, libérer les énergies de la société civile. Le slogan : moins d’Etat, mieux d’Etat !
La claque reçue par les acteurs du sport est immense, le Ministère des sports est tout simplement effacé des tablettes. Pas de secrétariat d’Etat, pas de délégué interministériel, le mot sport n’apparait tout simplement plus dans la communication étatique ! Seule demi-satisfaction, Laura Flessel reste membre du gouvernement, au poste de secrétaire d’Etat à l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.
Quid de l’INSEP, des DRJSCS, des CREPS, des Conseillers Techniques Sportifs, du CNDS… ?

Le mouvement sportif est KO. Réunis en urgence au CNOSF, les présidents des fédérations olympiques et non olympiques sont choqués, déboussolés, mais pour certains finalement assez rapidement excités à l’idée d’écrire une nouvelle page de l’histoire de l’organisation du sport en France. En effet, depuis plusieurs années et sur de nombreux points, de fortes tensions existaient entre les représentants du mouvement sportif et l’Etat. Sur la formation, sur le financement, sur la gouvernance, sur la règlementation, les conflits entre un « Etat-père » mais faible en matière de sport et un mouvement sportif encore dans sa crise d’adolescence, les sujets de dispute étaient nombreux et parfois contre productifs. Le jeune adulte n’aura donc jamais « tué le père », le suicide de celui-ci lui laisse maintenant une lourde responsabilité : assumer !

L’Etat restera en charge de ses missions régaliennes notamment autour de la sécurité des pratiquants mais, hormis son investissement dans Paris2024 qui dépasse le cadre du sport, l’Etat se retire au profit des collectivités, des acteurs privés marchands et des associations sportives à travers leurs fédérations. Pour les questions sport-santé, l’interlocuteur est le Ministère de la Santé, pour les questions éducatives, l’Education Nationale etc. L’INSEP est délégué à un collectif des fédérations olympiques. Les CREPS sont, cette fois-ci, entièrement transféré aux Régions. Les DRJSCS disparaissent et quelques agents Conseillers d’Animation Sportive sont affectés dans les préfectures pour assurer les missions de contrôle, les autres sont mis à disposition du mouvement sportif pour finir leur carrière et retourner à leurs premières amours : accompagner le développement au plus près du terrain. Le changement est immense et violent pour les organisations comme pour les Hommes.

Très rapidement, sur le haut-niveau c’est le modèle britannique et son « UK-Sport » (avec ses résultats aux JO) qui semblent inspirer les dirigeants français. Il nécessite de faire des choix douloureux, d’exclure un certain nombre de disciplines, de fédérations, de sportifs. Les premières tensions entre sports olympiques et non olympiques, entre sports médiatiques et plus confidentiels aboutissent à la première crise majeure pour cette nouvelle véritable gouvernance.

Le mouvement sportif, très structuré en France, verticalement par les fédérations et horizontalement par les comités olympiques et sportifs, doit démontrer dans les faits sa véritable force et surtout solidarité. Si le modèle d’outre-manche séduit sur le « sport performance », il exclut trop les moins favorisés socialement dans la pratique quotidienne qui n’est donc plus alors « sport pour tous » ! Les débats sont vifs, les positionnements de chacun de plus en plus clairs, la démocratie sportive est en ébullition, les changements à la tête des fédérations sont nombreux !
Les entreprises (industriels – start-up) et médias du sport, financeurs et acteurs de la pratique, tout comme les collectivités territoriales, 1ers financeurs publics du sport à travers les équipements sportifs sont aussi au contact des fédérations et du CNOSF pour envisager un avenir commun. Très rapidement, le sport professionnel, teste la solidité des désormais anciens schémas garantissant un lien entre sport pour tous et sport spectacle. De la même manière, les nouveaux acteurs de la pratique sportive organisée en dehors du cadre fédéral, notamment par l’usage des solutions numériques, viennent prendre la température de cette nouvelle gouvernance encore fragile pour connaître les opportunités qui vont s’ouvrir à eux. Au cœur de ses échanges, le CNOSF doit donc très rapidement se positionner et choisir : se centrer sur sa mission de représentant français du CIO ou assumer un nouveau positionnement de chef de file du sport en France, avec une définition plus large du sport (et non plus uniquement celui fédéré par ses membres !).
La question du financement est évidemment cruciale. Hormis les très rares fédérations autonomes économiquement, les subventions de l’Etat, du CNDS et les postes de CTS sont capitales pour une majorité de structures nationales. Face au défi à relever, un rapprochement de la nouvelle gouvernance du sport (mouvement sportif-collectivités-entreprises) avec la FDJ, la Fondation de France et le Crédit Coopératif permet d’envisager très rapidement la création d’un véritable fonds solidaire de développement du sport en remplacement du CNDS, et en parallèle, la création d’une banque solidaire du sport (une épargne solidaire entre acteurs sportifs). Edouard Philippe, lors d’échanges spécifiques concernant le sport, avait apporté très rapidement la garantie que les prélèvements sur la FDJ et sur les droits TV seraient à la disposition d’un nouvel outil de financement s’il était l’émanation d’un consensus des acteurs.

Comme à son habitude, après avoir été terriblement sonné et à terre, le sport français aura su rebondir et la période 2018-2024 aura finalement permis d’inventer un nouveau modèle d’organisation du sport national, plus ouvert, plus réactif, plus solidaire mais toujours compétitif au niveau international. Si les résultats des bleus à Paris en cette année 2024 n’auront pas atteint les objectifs fixés en 2017 par Laura Flessel (80 médailles), ils auront été excellents avec plus de 60 podiums, et ce n’est que le début…

 

 

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