Jeudi dernier, 1,6 million de téléspectateurs ont regardé le magazine de France TV, Complément d’enquête « JO : la gloire et la galère », qui était consacré aux sportifs de haut niveau et à leur difficulté financière. Il y a eu beaucoup de réactions et de débats sur les réseaux sociaux.
Le reportage est présenté ainsi sur le site de France TV, et cette assertion résume assez bien le documentaire : « Saviez-vous que près de la moitié des sportifs qui vont partir aux JO vivent avec moins de 500 euros par mois ? ».
Tout d’abord, d’où sort ce chiffre ? Du rapport Karaquillo[1] sur le statut des sportifs remis en février 2015 à Thierry Braillard, le secrétaire d’Etat aux sports. Mais que dit précisément le rapport ? « Ainsi, a-t-il pu être écrit que 4 sportifs de haut niveau sur 10 gagnent moins de 500 € par mois ». Ce n’est déjà pas pareil. Plus grave, il y a environ 7000 sportifs de haut niveau inscrits sur les listes ministérielles et à peine 500 d’entre eux iront à Rio.
Comment appliquer cette proportion qui concerne tous les sportifs de haut niveau ((Jeune, Sénior, Elite) aux meilleurs d’entre eux (Élite) qui, naturellement, sont plus aidés par leur fédération, bénéficient davantage des aides personnalisées de l’Etat, ont plus de chance d’avoir des sponsors ?
Toutefois, ce reportage a le mérite de pointer du doigt un vrai problème, ce que souligne le Secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, invité à s’exprimer à la fin du reportage. Il a raison de dire qu’il a beaucoup œuvré depuis son arrivée au ministère pour revaloriser les sportifs de haut niveau. Tout d’abord, il a permis la sécurisation sociale et juridique des sportifs de haut niveau en étant à l’initiative d’une loi en novembre dernier. Il a lancé en décembre 2014 le Pacte de performance qui repose sur un engagement mutuel entre l’État, les entreprises et le mouvement sportif et sert des intérêts communs : faire gagner le sportif, les entreprises et la France. Grâce à l’aide des entreprises engagées dans ce projet, les sportifs bénéficient de conditions optimales pour la préparation des grandes compétitions grâce à un aménagement du temps de travail et un soutien financier. Résultat : 170 sportifs allant à Rio ont trouvé une solution. Un tel système est-il pérenne quand on voit que 40% des entreprises sont publiques ?
Le ministre a donc œuvré, comme d’autres avant lui, avec la mise en place d’une retraite spécifique pour les sportifs de haut niveau.
Ça va mieux ! Pour reprendre une formule à la mode…Oui, ça va mieux mais c’est très largement insuffisant si l’on veut continuer à jouer dans la cour des grands et être compétitif au Classement des médailles Olympiques.
Quel est diagnostic ?
- Le sport de haut niveau est difficilement rentable, le très haut niveau l’est. Ainsi, l’Etat, avec l’aide majeure et décisive des collectivités locales, le soutient à bout de bras en accordant des aides personnalisées aux sportifs, en subventionnant les fédérations sportives et en mettant à la disposition de ses dernières des fonctionnaires. De plus, il faut bien distinguer le sport de haut niveau et le sport professionnel. On peut être l’un et l’autre, ou l’un ou l’autre. Teddy Riner est les 2. Un footballeur de 2° division seulement pro (non inscrit sur les listes ministérielles) et un gymnaste est un sportif de haut niveau non professionnel, qui ne vit donc pas de son sport.
- La France a fait le choix d’aider 58 fédérations[2] sur le haut niveau (33 fédérations pour des disciplines olympiques et paralympiques et 25 fédérations pour des disciplines non olympiques), quand d’autres pays comme l’Italie ou la Grande-Bretagne beaucoup moins, basé sur des critères beaucoup plus exigeants. En effet, la France aide les fédérations olympiques et non-olympiques, du judoka au champion de France de pelote basque. C’est un choix. En-a-t-on encore les moyens ? Et est-ce le plus efficace ? La Grande-Bretagne a eu plus de sports médaillés à Londres que la France. Uniquement l’effet home advantage ? Mais est-il juste de n’aider que les meilleurs ou les plus médiatiques ?
- « La liste nationale des sportifs de haut niveau compte près de 7000 sportifs inscrits en trois catégories, Jeune, Senior et Elite. L’Elite correspond à un niveau de performance réalisée au cours d’une compétition de référence, Championnat du Monde, jeux Olympiques, voire pour certaines disciplines, le classement final d’une Coupe du Monde et donne droit à une inscription pendant deux ans. Les sportifs qui y figurent ne sont pas discutables et représentent environ 10 % du total de SHN. Pour les deux autres catégories, il s’agit plutôt d’identifier les sportifs des collectifs de préparation des équipes de France junior et senior. Sur ces quelques 6200 sportifs, beaucoup ne parviendront jamais au plus haut niveau » [3], comme le précise l’Assemblée du sport en 2011.
Dès lors, que convient-il de faire ? Faire des choix et les assumer : augmenter le budget du ministère des Sports ? Diminuer le nombre des sports et/ou des sportifs soutenus ? Affecter différemment les ressources en abandonnant des missions de l’Etat au profit du haut niveau ? Créer un fonds de soutien aux sportifs de haut niveau avec une fiscalité incitative ? Créer une agence du haut niveau chargée de faire des arbitrages avec le slogan de son homologue britannique, No compromise ? Octroyer les aides personnalisées sous conditions de ressources ?
Cela dépend de sa vision du sport, de la place que l’on veut lui donner, de ses convictions en matière d’organisation de la société et du rôle de l’Etat.
Un beau débat pour les campagnes à venir, celle de la Présidence de la République comme celle du Comité national olympique et sportif français.
[1] http://www.sports.gouv.fr/Karaquillo/Karaquillo_Rapport.pdf
[2] https://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Sport-pour-tous-et-sport-de-haut-niveau-pour-une-reorientation-de-l-action-de-l-Etat
[3] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000369.pdf
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