Selon le site internet lequipe.fr, et confirmé par un article dans l’édition papier du jour, « le secrétaire d’Etat aux sports, Thierry Braillard, a annoncé jeudi à l’AFP sa volonté de mettre en place «une haute autorité de l’intégrité sportive», lors d’un forum consacré à la corruption dans le sport à l’université de la Sorbonne. L’idée consisterait en un rapprochement de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) et de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). «Pourquoi ne pas les regrouper au sein d’une même institution ? C’est une suggestion que je vais soumettre dans les prochaines semaines» a-t-il déclaré http://www.lequipe.fr/Tous-sports/Actualites/Vers-une-haute-autorite-de-l-integrite/465490
L’intégralité du discours du Secrétaire d’Etat est consultable ici : http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/intervention_de_thierry_braillard_forum_sorbonne.pdf.
Ce sujet n’est pas nouveau. Essayons de nous rappeler quelles ont été les différentes prises de positions des différents acteurs sur le sujet.
Tout semble commencer avec la proposition de loi « éthique du sport et droits des sportifs » et son examen en séance publique le 18 janvier 2012. Le député et ancien ministre des sports, Jean-François LAMOUR, avait déposé un amendement pour fusionner les deux autorités mais il a été rejeté en vertu de l’article 40 qui interdit à un parlementaire d’augmenter les dépenses publiques sans compensation.
Voici une partie de sa déclaration en séance publique : « (…) depuis la loi du 12 mai 2010, que j’ai rapportée devant cette assemblée, l’Autorité de régulation des jeux en ligne s’est imposée comme un modèle européen et mondial non seulement dans le domaine de la régulation des jeux et paris en ligne, mais encore dans le champ plus général de la préservation de l’intégrité des compétitions sportives à travers la surveillance efficace de leur déroulement. Pour cette raison, l’ARJEL dispose de toute la légitimité et de tout le savoir-faire pour englober et renforcer les responsabilités et les pouvoirs aujourd’hui dévolus à l’AFLD.
Un tel transfert de compétence constituerait également une mesure d’économie puisque l’intégration des services juridiques et des fonctions de support de l’AFLD dans l’ARJEL coûterait moins au budget de l’État que la coexistence de deux autorités dont l’une agit dans le champ de l’autre. (…) De plus, il a été très clairement acté que la lutte contre les paris sportifs illégaux et la triche sportive devait prioritairement être appliquée au niveau national. Le rapprochement entre les deux autorités prendrait ainsi tout son sens. » http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120101.asp
Quelques mois après, le 11 septembre 2012, Gérald Darmanin, ancien directeur de cabinet de David Douillet, Ministre des Sports, député et désormais maire de Tourcoing, avait posé une question écrite à la ministre des Sports de l’époque, Valérie Fourneyron http://questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-4082QE.htm :
« L’autorité de régulation des jeux en ligne s’est imposée comme un modèle européen et mondial dans le champ de la préservation de l’intégrité des compétitions sportives à travers la surveillance efficace de leur déroulement. C’est pourquoi la question du rapprochement de l’ARJEL et de l’AFLD se pose afin que l’AFLD s’inspire de la légitimité et du savoir-faire et renforce ses responsabilités et ses pouvoirs. Ainsi, il voudrait savoir si la fusion de l’ARJEL et de l’AFLD est toujours envisagée et quel est le processus engagé. »
La réponse de la ministre, Valérie Fourneyron, interviendra le 8 janvier 2013 :
« La France est aujourd’hui à la pointe du combat pour la préservation de la sincérité des résultats sportifs. La ministre Valérie Fourneyron a d’ailleurs été désignée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe pour représenter le continent européen au comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage (AMA). Présente au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, le 10 octobre dernier, elle s’est adressée aux représentants des pays qui participent à la rédaction de la première convention internationale juridiquement contraignante sur les matchs truqués.
La France, en la personne du Président de l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), occupe la vice-présidence de ce comité de rédaction. Pour autant, un rapprochement avec l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est impossible, dans la mesure où le rôle de l’ARJEL ne se limite pas aux paris sportifs, mais englobe aussi le poker et les jeux de casino. »
Ensuite, le 17 juillet 2013, le rapport sénatorial fait au nom de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage de MM. Humbert et Lozach (http://www.senat.fr/rap/r12-782-1/r12-782-11.pdf) intitule un de ses paragraphes : « Fusionner l’AFLD avec l’ARJEL : une fausse bonne idée ».
« Certaines personnes auditionnées ont préconisé, comme l’ancien ministre des sports David Douillet, de « lier la lutte contre le dopage à la régulation des jeux en ligne » en fusionnant l’AFLD et l’ARJEL soulignant que l’enjeu était le même, à savoir la protection de l’éthique du sport, et que les mafias et les trafics pouvaient être liés. (…). Cependant, votre rapporteur n’est pas favorable à une telle fusion. En effet, même si le rôle de préservation de l’éthique du sport est partagé, le dopage se singularise par un objectif supplémentaire, celui de la protection de la santé des sportifs. De plus, il a été indiqué à votre commission par les forces de police que les réseaux, entre le dopage et la corruption, étaient en réalité différents. Une seule autorité de lutte aurait donc en réalité deux domaines, deux branches distinctes à investiguer. Dès lors, votre rapporteur estime qu’il y a un risque que l’autorité, si elle a cette double responsabilité, perde une partie de sa compétence sur l’un ou l’autre de ses enjeux, alors que la France dispose aujourd’hui de deux autorités déjà très reconnues à l’échelle internationale dans l’une et l’autre de ses luttes essentielles à la protection du sport. »
Dernier acte en date avant la déclaration du Secrétaire d’Etat aux sports hier, le député Gérald Darmanin avait déposé une proposition de loi « relative à la fusion de l’ARJEL et de l’AFLD » le 16 juillet 2013 (http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1264.asp).
Pour résumer, avant l’actuel Secrétaire d’Etat, trois députés de l’UMP (MM. Lamour, Douillet et Darmanin) y étaient favorables, un rapport sénatorial présidé par un sénateur UMP (Jean-François Humbert) et rapporté par un sénateur socialiste (Jean)Jacques Lozach) s’y opposaient ainsi que Valérie Fourneyron, alors Ministre des sports en exercice.
La suite de l’histoire risque d’être passionnante et il sera intéressant de suivre les nouvelles prises de position des uns et des autres.
Reste une dernière interrogation, et de taille : l’émergence d’un président d’une haute autorité de l’intégrité sportive aux pouvoirs, et au poids médiatique, conséquents ne va t’elle pas affaiblir le Ministre des Sports ?
[…] Fusion ARJEL/AFLD : Qui a dit quoi et quand ? […]
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