Dans une interview donnée le 10 mai à L’Equipe, Najat Vallaud-Belkacem a été interrogée sur le projet de loi-cadre sur la modernisation du sport, porté initialement par Valérie Fourneyron.
Pour la nouvelle Ministre des sports, « ce projet de loi n’était qu’une ébauche. (… ) Avec Thierry Braillard, nous allons reprendre les discussions avec le CNOSF en ce qui concerne la gouvernance du sport, renouer avec le monde du sport. Si projet de loi il doit y avoir, il doit répondre à des objectifs définis en commun avec le mouvement sportif. »
« Qu’une ébauche »… Le constat est quelque peu cruel pour un projet de loi dont l’élaboration avait démarré dès l’élection de François Hollande, il y a deux ans donc, et que Valérie Fourneyron prévoyait de présenter en Conseil des ministres avant l’été.
Il amène aussi à s’interroger sur le contenu de ce texte législatif.
Trouver de « bons » sujets pour une loi spécifique sur le sport n’est pas aussi facile qu’on peut le croire. La définition du budget de l’Etat relève des Lois de finances. Le pilotage du sport de proximité par les collectivités territoriales est lui encadré par les lois de décentralisation. Des politiques majeures comme le sport de haut niveau relèvent peu du domaine législatif. D’autres, comme l’éthique, ont déjà été largement traités dans différentes lois ces dernières années.
Le projet de loi de Valérie Fourneyron, dans sa version rendue public en début d’année, était d’ailleurs une bonne illustration de cette difficulté. On y a cherché en vain des mesures de grande ampleur.
Najat Vallaud-Belkacem annonce dans L’Equipe vouloir rouvrir de nouveaux chantiers, comme celui de la gouvernance, en concertation avec le CNOSF. Un texte recentré sur quelques thématiques bien choisies, et pour lesquelles des mesures législatives auraient un réel impact, serait certainement une très bonne chose.
On pense, par exemple, à un sujet constamment débattu dans les médias, mais relativement délaissé par le Parlement : le développement du sport professionnel et de ses grands équipements.
Philippe Diallo, Directeur général de l’Union des clubs professionnels de football (UCPF), le soulignait dans le dernier Journal du dimanche : la compétitivité du sport professionnel français a encore du chemin à faire ! (http://www.lejdd.fr/Sport/Football/Philippe-Diallo-Peut-on-encore-batir-un-grand-club-en-France-665622)
A-t-on également besoin de rappeler le nombre record de rapports parus sur le sujet depuis 7 ans, dont celui à peine sorti des fourneaux du Sénat (qui traite des relations entre le sport pro et les collectivités territoriales : http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-484-1-notice.html) ?
Et pourtant, aucune vraie mesure législative structurante n’a été prise pour soutenir le développement de nos clubs pro.
Le seul texte récent substantiel a été la loi pour l’Euro 2016, votée en juin 2011, qui établit un régime dérogatoire pour les seuls stades concernés par cette compétition (prouvant au passage que le droit français est bien un obstacle à la réalisation de grands équipements sportifs).
Pour les autres enceintes, le constat reste désespérément le même : les stades et Arenas contribuent encore trop peu au modèle économique des clubs et ceux-ci ne sont pas assez associés à leur exploitation. Le dossier de L’Equipe consacré aujourd’hui aux Arenas le met une nouvelle fois en évidence à l’égard des salles de 10 000 places.
Des mesures législatives pourraient-elles aider à cette situation ?
Oui et elles ne sont pas difficiles à imaginer. On les retrouve, toutes prêtes, dans les rapports Séguin, Besson, Costantini, etc.
De telles mesures peuvent inciter au financement privé des équipements (en permettant par exemple des garanties publiques d’emprunt pour des projets privés) Elles peuvent aussi favoriser, dès la phase de conception, une coopération optimale entre les sociétés d’exploitation et les clubs résidents (un enjeu majeur pour le bon fonctionnement économique des enceintes).
Ces mesures ne seront pas une réponse à toutes les questions qui se posent (Quel engagement de l’Etat ? Comment mieux associer aux projets les populations locales réticentes ?). Mais elles constitueraient un signal fort à l’égard du sport professionnel et de ses projets de développement.
Elles pourraient aussi amorcer, comme le souhaite le rapport du Sénat, un modèle de développement moins dépendant des subventions de fonctionnement et davantage axé sur des aides à l’investissement.
Jusqu’à aujourd’hui, ministres et parlementaires ont été réticents à porter de telles mesures (la crainte d’être assimilés au « sport-fric » ?). L’interview de Thierry Braillard dans L’Equipe ce matin est assez emblématique sur ce point. Le Secrétaire d’Etat aux Sports déclare ne pas vouloir légiférer, mais se dit favorable à ce que les collectivités offrent des garanties d’emprunt… Ce qui exigerait justement une modification de la loi !
Une fenêtre de tir est peut-être en train de s’ouvrir. Avec la réouverture des discussions sur le projet de loi, les acteurs du sport professionnel (ligues, clubs, exploitants de stades et de salles) saisiront-ils l’occasion de convaincre les décideurs politiques que des mesures législatives sur le sport professionnel peuvent réellement changer la donne de son développement économique ?
Pour un Ministère exsangue financièrement (et ça ne va pas s’arranger…), le projet de loi serait en tout cas une occasion unique de soutenir un secteur essentiel du sport français sans dépenser un euro !
[…] A quoi peut servir une loi sur le sport ?. […]