La ministre des Sports, Valérie Fourneyron, vient d’annoncer la création d’un fonds d’un million d’euros par an pour favoriser la retransmission télévisée de compétitions féminines, handisport ou sport adapté (son communiqué de presse : http://www.sports.gouv.fr/presse/article/Un-fonds-pour-accroitre-la-mediatisation-du-sport-feminin-et-du-handisport). Cette enveloppe doit permettre aux fédérations de financer elles-mêmes la production d’images télévisuelles afin d’inciter les chaînes gratuites à les diffuser.
Cette mesure se veut une réponse au constat effectué par le CSA en décembre 2012 : le sport féminin ne représente que 7% des retransmissions sportives à la télévision, dont 90% sur des chaînes payantes.
Ce dispositif ministériel ne manquera pas de susciter quelques réserves :
– politiquement, il marque un recul quant aux ambitions du Gouvernement. François Hollande s’était en effet engagé en 2012 à garantir une plus grande diversité des disciplines sportives sur les chaînes du service public. Finalement, le Ministère des Sports devra contribuer de sa poche pour compenser ce que France Télévisions refuse de faire ;
– il peut aussi sembler étrange de mobiliser de l’argent public pour prendre en charge des frais de production à la place des chaînes de télévision. Le Ministère des Sports pourrait ainsi se retrouver à subventionner directement des événements sportifs passant sur des chaînes de la TNT, qui appartiennent quasiment toutes à des grands groupes médias privés.
Mais ces réserves ne compteront guère si le dispositif ministériel obtient des résultats concrets. En est-il capable ? Prendre en charge des frais de production suffira-t-il à convaincre une chaîne TV gratuite, qui a besoin d’audimat et de recettes publicitaires, de diffuser une compétition comme le championnat de France féminin de basketball ou de handball (deux sports explicitement ciblés par le Ministère) ?
Le sport-spectacle a ses règles. Pour qu’un événement sportif soit « diffusable », il faut des compétitions bien identifiées par le grand public, avec des équipes de qualité et de vrais enjeux sportifs. Valérie Fourneyron a raison de vouloir promouvoir le sport professionnel français, mais ne faudrait-il pas aussi agir plus en amont, en encourageant des réformes dans l’organisation même de ses compétitions ? Une étude récente de Kantarsport le prouve bien. De juillet 2012 à juin 2013, les équipes de France féminines de basket et de hand ont été les plus diffusées à la TV. Cette période comprend les JO de Londres ? eh bien justement ! Tous les ingrédients sont là : du haut niveau, des équipes de qualité, des enjeux sportifs, du spectacle…
Les championnats féminins français de handball ou de basketball, pour reprendre ces exemples, sont faiblement structurés (plus de la moitié de leurs revenus proviennent de subventions publiques) et peu attractifs car manquant de grands clubs capables de s’appuyer sur des moyens financiers suffisants (sponsors, enceintes modernes, etc.).
Il faudrait donc faire évoluer l’écosystème dans lequel évoluent nos clubs féminins et engager une refonte de leur championnat pour diversifier les financements, construire des salles modernes et accueillantes, accroître les compétences à l’intérieur même des clubs et les inciter à coopérer économiquement (mutualisation et réinvestissement de certaines recettes, régulation de la masse salariale…).
Les championnats favorisant ce type de comportements ont un nom : ce sont des ligues fermées ou semi-fermées.
L’idée est taboue en France mais qu’auraient à perdre le basket ou le handball féminin à essayer de nouvelles formes de compétition qui ont fait leurs preuves à l’étranger ?
Pourquoi ne pas repenser l’ensemble de la chaîne du sport professionnel plutôt que seulement son dernier maillon (la retransmission télévisée) ?
Si effectivement les sports féminins méritent un soutien spécifique, comme semble le penser la Ministre des Sports, pourquoi ne pas leur accorder un droit à l’expérimentation et à l’innovation ?
Avec une double ambition : développer économiquement et médiatiquement le sport professionnel féminin et utiliser celui-ci comme une vitrine pour accroître la pratique sportive en France.
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