Qu’y a-t-il de choquant dans le transfert d’Anthony Martial ?

Publié le 3 septembre 2015 à 10h12 dans Economie du sport

Anthony Martial, qui appartenait au club de football de Monaco, a été acheté 80 M€ (selon les médias et si tous les bonus sont déclenchés) par le club de Manchester United.

Et si on essayait d’être factuel sur ce transfert largement commenté dans les médias, qui a fait la Une de l’Equipe depuis 2 jours et qui a « choqué » notre secrétaire d’Etat aux Sports, Thierry Braillard, mais « en tant que citoyen » ? Ouf, on a eu peur que ça soit en tant que ministre…

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Les 80 M€, qui constituent un record pour un joueur français, n’iront pas au joueur mais au club de Monaco, aux clubs formateurs du joueur et aux intermédiaires. Le transfert et la somme ont été conclus entre 2 entreprises privées sur un marché libre avec une très forte concurrence. Comme le dit d’ailleurs Martial, « C’est assez fou pour un joueur de mon âge. Mais je peux rien y faire. C’est entre les deux clubs. ».  Aucune perte ne sera enregistrée par l’Etat français ou le contribuable. Que les parties aient trouvé un accord qui les satisfasse toutes deux, suivant leurs objectifs et leurs contraintes ne semble pas mériter d’objection. On peut bien sûr estimer que c’est totalement déraisonnable pour un joueur de 19 ans n’ayant marqué que 11 buts en L1 ou que cela illustre la folie de notre monde actuel…

Le football génère une économie colossale illustrée, par exemple, par les doits TV anglais de 2,3 milliards €. Nous achetons des maillots, nous payons des places pour assister aux matchs, nous nous abonnons à une ou deux chaines payantes, nous parions, nous participons ainsi à développer ce marché mais nous sommes choqués « en tant que citoyen ». Et « en tant que supporter ou fan de foot » ?

Par ailleurs, les instances du football européen (UEFA) et mondial (FIFA) tendent à rendre plus transparent, plus redistributif et plus raisonnable ce marché en imposant une déclaration des transferts et ses moyens de règlement pour éviter les intermédiaires occultes, sur un site spécialisé (FIFA TMS), en mettant en place un retour pour les clubs formateurs (600 000€ iront au club des Ulis qui a formé A. Martial, ce qui équivaut à 3 ans de budget), ou en créant le fair-play financier qui est un système coercitif qui interdit aux clubs de dépenser plus qu’ils ne gagnent.

Alors bien sur, on peut toujours aller plus loin. Et notamment sur la transparence des transferts. En effet, de nombreux observateurs émettent de sérieux doutes sur l’efficacité du système actuel. Mais à trop encadrer, le « risque », à l’instar des salary cap du rugby par exemple, n’est-il pas d’aller vers des ligues fermées à l’américaine ? OIulala, le gros mot…

Ce transfert illustre surtout la difficulté financière du football français à émerger face à ses concurrents étrangers. Ces difficultés proviennent de ressources trop faibles inhérentes au foot français comme des droits TV trois fois inférieurs à la Premier League anglaise mais également de la fiscalité française ou de la Loi Evin comme le rappellent régulièrement les clubs de football professionnels français. Commenter et de rien faire ne changera rien à cette donne.

Nous pouvons également signaler que ce transfert représente une exportation réussie d’un talent français démontrant une fois de plus la qualité de la formation mise en place depuis de nombreuses années par les clubs français. N’est-ce en effet pas une belle illustration du « Made in France » ?

On peut aussi bien sur s’interroger sur la finalité de l’AS Monaco qui a vendu tout son axe central. Est-elle toujours sportive ? Ou acheter pas cher puis revendre à prix d’or est-il devenu l’objectif des monégasques ? Cette fuite des talents d’une des locomotives majeures de la L1 n’est assurément pas une bonne nouvelle pour le football français.

M. Braillard, en tant que Ministre, vous en pensez quoi ?

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