Grands équipements : doit-on vraiment planifier ?

Publié le 7 mars 2014 à 10h53 dans Equipements

L’Institut régional de développement du sport (IRDS) de la Région Ile-de-France vient de publier un dossier sur les « Enjeux et stratégies autour des stades et arénas en Ile-de-France » (http://www.irds-idf.fr/fileadmin/Etudes/etude_487/irds_26.pdf). Il y fournit une synthèse très complète et actualisée de la situation de la région-capitale, notamment son retard par rapport aux autres grandes métropoles européennes (deux stades de plus de 25 000 places en Ile-de-France contre dix à Londres…).

Assez paradoxalement, l’IRDS s’inquiète aussi de l’« inflation » récente de projets de grands équipements franciliens (grand stade de rugby à Evry, Arena 92 de Nanterre, Dôme de Sarcelles, Colisée de Tremblay, etc.).

Pour l’IRDS, ceux-ci ne s’intègreraient pas dans un plan d’ensemble coordonné. Le dossier regrette dans son introduction le rôle de « régulateur » et « correcteur » qu’aurait eu l’Etat dans les décennies précédentes et appelle à « une programmation concertée et partagée (État, fédérations, collectivités, clubs) ».

Cette nostalgie d’un Etat planificateur peut surprendre, surtout quand l’IRDS élève dans cette perspective le Stade de France et le Palais omnisports Paris Bercy (POPB) au rang d’exemples à suivre. Le choix de la localisation du Stade de France fut particulièrement chaotique et son modèle d’exploitation tout sauf un modèle de gestion rationnelle des ressources publiques. Quant au POPB, sa création fut directement pilotée par la Ville de Paris, et non pas par l’Etat comme semble l’indiquer le dossier de l’IRDS.

Surtout, vouloir « programmer » l’émergence de grands équipements sportifs est la meilleure manière de ne rien faire du tout. On peut fantasmer sur une méthode totalement cartésienne et consensuelle pour planifier et répartir géographiquement des équipements. Mais dans la réalité, ceux-ci naissent d’abord de la volonté d’« entrepreneurs » politiques ou sportifs qui agissent dans l’intérêt de leur ville ou club. C’est ce que montre clairement les grands projets français les plus récents : les couples Michel Seydoux / Martine Aubry à Lille, Jean-Michel Aulas / Gérard Collomb à Lyon, Robert Cadalbert / David Lappartient à Saint-Quentin-en-Yvelines, Christian Estrosi à Nice, Alain Juppé à Bordeaux, Jacky Lorenzetti à Nanterre …

Ce sont eux qui apportent l’indispensable énergie pour faire avancer au quotidien des projets souvent compliqués. Ce sont eux qui définissent la manière dont l’équipement pourra contribuer au développement de leur territoire ou acteur sportif. Ce sont aussi eux qui sont responsables du projet, politiquement et financièrement : l’élu local ou fédéral devra assumer son choix devant les électeurs, l’acteur privé engager son propre argent.

L’Etat ou une quelconque instance de planification ne saurait se substituer à eux, sauf à remettre en cause certains des principes démocratiques les plus élémentaires (décentralisation, liberté d’initiative des collectivités ou des acteurs privés).

(On remarquera aussi que l’Etat a de toute façon plutôt tendance depuis quelques années à encourager une plus grande prise d’initiative des collectivités et des acteurs sportifs pour compenser son propre désengagement.)

Cette émergence désordonnée de projets ne va-t-elle cependant pas à l’encontre de l’intérêt général, en créant des doublons territoriaux ou des projets mal calibrés ?

L’IRDS s’interroge légitimement sur la pertinence de certains projets. Mais ce sont justement des « projets », souvent coincés à un stade embryonnaire. Ce n’est pas un hasard. Chaque collectivité ou acteur sportif a le droit d’avoir des ambitions, de travailler à leur mise en œuvre, mais la dure réalité des grands équipements (trouver des financements, obtenir des autorisations, convaincre sa population, etc.) a jusqu’à maintenant suffi à bloquer les projets les plus fragiles en Ile-de-France.

Par ailleurs, l’absence d’une autorité planificatrice n’empêche pas la coordination. L’IRDS se trompe en déplorant que le « caractère privé » du grand stade de rugby n’ait pas permis une « large concertation de l’ensemble des institutions en amont ». La Fédération française de rugby, dès le début de son projet, a pris soin de contacter toutes les institutions concernées (différents Ministères, Région, Départements, etc.) et d’engager avec elles un dialogue régulier – tout simplement parce que c’était dans son intérêt !

Cela ne préjuge pas sur le fait que le projet de la FFR soit bon ou mauvais mais la coordination existe bien et les acteurs souhaitant amender ou s’opposer à ce projet ont eu toutes les informations nécessaires pour le faire depuis plus de trois ans.

La situation n’est donc pas aussi désordonnée qu’il n’y paraît.

Comment pourrait-elle évoluer dans les prochaines années ?

Une future candidature aux Jeux olympiques et paralympiques aiguiserait certainement de nouveaux appétits.

L’IRDS note aussi à juste titre que la création d’une Métropole du Grand Paris le 1er janvier 2016 impactera le sport francilien, même s’il est encore difficile d’évaluer de quelle manière. La Métropole pourrait à terme faciliter les coopérations en matière d’équipements sportifs – ou pas (la Région n’a par exemple jamais réussi à s’imposer dans ce rôle). A l’inverse, elle pourrait aussi réduire le nombre de projets futurs en fragilisant les collectivités existantes (la création de la Métropole, qui englobera la capitale et ses trois départements limitrophes, devrait entraîner la disparition des communautés d’agglomération dans ce périmètre).

Une chose est donc certaine : nous n’avons pas encore fini de parler des grands équipements sportifs en Ile-de-France…

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