Quelles retombées économiques pour les événements sportifs ?

Publié le 22 mai 2014 à 10h56 dans Grands événements

Combien tout cela va-t-il nous coûter ?

Plus aucun grand événement sportif n’échappe désormais à cette question posée par l’opinion publique et les médias.

Hier, elle faisait les gros titres des Jeux olympiques de Londres ou de Sotchi. Aujourd’hui, c’est au tour de la Coupe du monde au Brésil ou des villes envisageant d’organiser les JO d’hiver 2022 (Stockholm, Saint-Moritz ou Munich ont renoncé à candidater pour des raisons financières, Olso et Cracovie s’interrogent).

Cette première question en amène naturellement d’autres. S’il faut dépenser beaucoup d’argent pour accueillir un grand événement, en retire-t-on au moins quelque chose de concret ? Quelles seront notamment les retombées économiques pour le territoire hôte ? La capacité du sport à créer des richesses et des emplois relève-t-elle de l’évidence ?

Sur ce sujet, les études existantes laissent apparaître une réalité assez contrastée.

 
1- Des études ont-elles déjà montré clairement l’impact économique positif d’un événement sportif ?

Oui et heureusement ! C’est notamment le cas des événements sportifs récurrents, possédant un modèle économique bien rodé et dans lesquels les partenaires privés jouent un rôle primordial. On pense par exemple au Tour de France, à Roland-Garros ou au Vendée Globe.

Bruno Retailleau, le Président du Conseil général de Vendée (qui organise la course), soulignait ainsi récemment dans un rapport du Sénat : « le Vendée Globe coûte 4 millions d’euros par édition au Conseil général et en rapporte directement une quarantaine au département. A ceci s’ajoute plus de 190 millions d’euros de retombées médiatiques ». (1)

Le tournoi de Roland-Garros a lui rapporté 289 millions d’euros en 2012 selon une étude publiée l’automne dernier. (2)

 
2- Toutes les études sont-elles aussi positives ?

Non, malheureusement !

L’étude effectuée après la Coupe du monde de rugby de 2007, par Eric Barget et Jean-Jacques Gouguet du Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de l’université de Limoges, avait par exemple montré que cette compétition avait eu « un impact économique positif » mais très localisé et trop limité pour réellement influer sur la croissance nationale.

Le rapport de David Douillet sur l’organisation des grands événements (2010) soulignait de son côté que « l’impact purement économique ou financier pour le pays organisateur est le plus souvent limité. Des études économiques récentes montrent que, hormis celle des Jeux olympiques d’été, l’organisation d’un grand événement sportif ne procure pas de réels avantages au plan macro-économique et que les coûts d’organisation parfois élevés ne sont pas toujours compensés par les recettes liées à l’événement. » (3)

Les Jeux olympiques d’été offrent-ils d’ailleurs de réelles garanties économiques ? Pas tant que ça selon l’université de Chicago. Ses chercheurs ont étudié les cas de Barcelone 1992, d’Atlanta 1996 et de Sydney 2000 et ont conclu que leurs trajectoires économiques à moyen terme n’avaient pas été différentes de celles de villes voisines n’ayant pas organisé les JO d’été. (4)

 
3- Certaines estimations ont-elles été gonflées artificiellement ?

Sans aucun doute. Mais ce n’est pas un phénomène spécifique au sport (le monde de la culture est particulièrement en pointe dans ce domaine). Dans un contexte économique difficile, avec le recul des financements publics et privés, chaque secteur d’activités est tenté par une « course aux chiffres » visant à prouver quasi-scientifiquement son importance en termes de création de richesses et d’emplois.

Le gouvernement britannique s’est aussi fait une spécialité de communiquer sur l’héritage des JO de Londres avec des chiffres tout aussi spectaculaires que suspects – ce que n’ont d’ailleurs pas manqué de souligner les universitaires et médias locaux (5). En juillet 2013, il a ainsi annoncé un impact économique de l’ordre de 28 à 41 milliards de livres d’ici à 2020, ce qui est particulièrement large et floue comme estimation et quasiment invérifiable. (6)

 
4- Quelles sont les conditions d’une étude économique sérieuse ?

Les études relatives aux événements sportifs sont encore trop rares en France. Elles sont pourtant indispensables à la bonne compréhension de leurs effets sur un territoire et ses entreprises. Elles seraient particulièrement utiles aux collectivités territoriales qui engagent les sommes les plus importantes pour organiser les événements.

Il faut cependant donner des objectifs réalistes à ces études.

Le sport n’est pas une solution miracle. Il constitue une activité économique appréciable mais un événement sportif à lui seul ne peut pas créer directement des dizaines de milliers d’emplois durables ou transformer en profondeur notre économie.

Un événement sportif n’est pas un investissement économique comme les autres, avec un retour facilement mesurable. Ses principales qualités ne sont pas tangibles : la capacité à créer une dynamique collective, à fédérer différents acteurs, à valoriser l’identité et l’image de marque d’un territoire…

Son évaluation mériterait donc des enquêtes d’un type différent, plus qualitatives, davantage axées sur les perceptions et avis des décideurs et acteurs locaux, nationaux et internationaux.

 
5- Pourra-t-on un jour prouver une fois pour toutes qu’un événement sportif est économiquement bénéfique ?

C’est peu probable car le succès d’un événement sportif est dépendant de multiples facteurs : la conjoncture économique, la taille de la ville, son système de gouvernance, l’efficacité des autres politiques territoriales, les exigences de la fédération sportive internationale qui attribue la manifestation, etc. Un même événement dans deux villes différentes peut donc donner des résultats économiques totalement dissemblables.

Par ailleurs, dans cet enchevêtrement de facteurs sportifs et extra-sportifs, aucune méthodologie n’est capable de complètement distinguer les effets de l’événement lui-même et les effets qui relèvent d’autres facteurs (un investissement international généré à Londres à la suite des Jeux olympiques est-il uniquement dû aux JO ou peut-il aussi être expliqué par une autre décision du gouvernement ou du maire de la ville ?).

Enfin, l’évaluation immédiate d’un événement tend à masquer un fait primordial : le succès d’un événement se décide bien après qu’il se soit achevé. Ce succès dépend tout autant des politiques qui ont accompagné l’événement en amont que des politiques qui le prolongent en aval (aménagement du territoire pour compléter les infrastructures construites en vue de l’événement, promotion internationale pour continuer à renouveler l’image du territoire, attirer les investisseurs et les touristes, etc.).

L’évaluation post-événementielle peut donner l’impression que les retombées positives sont définitivement acquises. Ce n’est pas le cas. Le combat ne fait que commencer !

 

(1) http://www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-484-1-notice.html

(2) http://www.fft.fr/sites/default/files/pdf/note_de_synthese.pdf

(3) http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/104000380/0000.pdf

Le rapport cite notamment l’article d’Andrew Zimbalist publié dans la revue Finance & Development de mars 2010 : « Is it worth it ? Hosting the Olympic Games and other mega sporting events is an honor many countries aspire to – but why ? ».

(4) http://www.freakonomics.com/media/Economic_Impacts_of_the_Olympic_Games.pdf

(5) Par exemple : http://www.bbc.com/news/uk-23370270 et http://www.independent.co.uk/sport/olympics/news/olympics-legacy-did-london-2012-provide-a-boom–or-leave-us-bust-8714523.html

(6) https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/224148/2901179_OlympicLegacy_acc.pdf

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