Quand l’école expérimente le sport

Publié le 27 février 2014 à 12h21 dans Sport pour tous

Le sport à l’école est en France un sujet plein de paradoxes.

L’Education nationale réserve une véritable place au sport dans son cursus. Il constitue, de l’école primaire à la terminale, un enseignement obligatoire et fait partie des épreuves au baccalauréat. Notre pays est d’ailleurs celui qui offre le plus d’heures d’éducation physique et sportive en Europe (1).

Mais le sport continue malgré tout d’être largement méprisé comme matière scolaire car jugé peu utile dans l’éducation de nos jeunes. Cette marginalisation est aggravée par la division historique entre les professeurs d’EPS et le mouvement associatif sportif, qui ne travaillent que trop rarement ensemble pour valoriser leur activités respectives.

Le dispositif « Cours le matin, sport l’après-midi », lancé en 2010 par Luc Chatel, Ministre de l’Education nationale, a constitué à cet égard une expérience inédite par son ampleur. Il a expérimenté pendant trois ans, dans des établissements volontaires, un nouvel aménagement du temps scolaire autour du sport. L’ambition était d’améliorer, par une pratique sportive régulière, les conditions de scolarité des élèves.

212 collèges et lycées y participaient à la rentrée 2012 (dont plus du tiers appartenaient aux réseaux d’éducation prioritaire ou étaient situés en zone urbaine sensible) – soit 15 000 élèves qui ont bénéficié en moyenne de cinq heures de sport supplémentaires par semaine (ainsi que deux heures d’activités culturelles). (2)

Au lycée Jean Vilar de Meaux, par exemple, pour les trois classes concernées, les cours d’EPS avaient lieu le lundi après-midi, des activités sportives « découverte » (escrime, aviron, badminton, escalade, lutte, football américain…) le mardi et le jeudi, et des enseignements de complément (escalade et badminton) le vendredi. Le mercredi était réservé aux activités sportives de l’UNSS.

Quels en ont été les effets ?

● 37% des chefs d’établissements impliqués dans l’expérimentation considèrent que celle-ci a amélioré les résultats scolaires des élèves (y compris ceux « en difficulté ») et 63% qu’elle n’a pas eu d’effet « significatif ».

● 71% de ses chefs d’établissement jugent positivement les effets de l’expérimentation sur la motivation des élèves, 63% sur leur prise de responsabilité et 62% sur leur assiduité.

● 71% considèrent également qu’elle a eu un impact positif sur le respect des élèves à l’égard de leur cadre de vie et 66% sur les relations que les élèves entretiennent entre eux.

En résumé : plus de sport à l’école ne modifie pas directement, dans la majorité des cas, les résultats scolaires des élèves. L’effet positif est cependant très net sur le comportement des élèves et leur bien-être.

A la fin de l’année 2013, au terme des trois années d’expérimentation, le Ministère de l’Education nationale a déclaré impossible une « généralisation nationale du dispositif » mais a souligné ses « résultats globalement encourageants » et préconisé « un déploiement ciblé du dispositif ».

La décision s’est faite dans la plus grande discrétion et c’est bien dommage. L’expérience et son évaluation auraient mérité une meilleure publicité et valorisation.

Le dispositif « Cours le matin, sport l’après-midi » éclaire la manière dont le sport peut non seulement contribuer au parcours éducatif d’un jeune, mais également à la dynamique d’un établissement scolaire et à la création de coopérations nouvelles entre des acteurs locaux.

● L’expérience a été un puissant levier de transformation des établissements en favorisant leur autonomie (chaque collège ou lycée bénéficiait d’une réelle souplesse dans la mise en œuvre du dispositif) et la mobilisation de leur équipe pédagogique dans une « culture du projet ».

● Elle a poussé à une plus grande ouverture des établissements vers les acteurs extérieurs (ce qui n’est pas leur tendance naturelle). Des conventions ont été conclues aussi bien avec des associations sportives et culturelles (pour prendre en charge des activités) que des collectivités territoriales (pour la mise à disposition, notamment, des équipements sportifs).

Qu’en restera-t-il après le retrait du Ministère ?

Celui-ci semble disposé à laisser les établissements qui le souhaitent continuer l’expérience. Les lycées et collèges convaincus par les bienfaits de cet aménagement du temps scolaire continueront certainement.

Le soutien de leurs collectivités sera déterminant tout comme celui du mouvement sportif. Ce dernier aurait tout intérêt à s’engager davantage afin de renforcer concrètement le rôle du sport dans notre système éducatif. Il pourrait identifier les établissements volontaristes, leur proposer de nouveaux partenariats, mobiliser ses clubs et faire vivre ce « réseau » par des actions et rencontres aux niveaux local et national.

Le chantier serait inédit pour le mouvement sportif. Mais personne d’autre ne le fera à sa place.

(1) European Commission, Physical Education and Sport at School in Europe, Eurydice Report, 2013
http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/thematic_reports/150EN.pdf

(2) Cour des comptes, Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l’action de l’Etat, rapport public thématique, janvier 2013
http://www.ccomptes.fr/Publications/Publications/Sport-pour-tous-et-sport-de-haut-niveau-pour-une-reorientation-de-l-action-de-l-Etat

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